TEXTES DU HAUT-MOYEN-ÂGE SUR ALISE-STE-REINE

 

CHRONOLOGIE :

 

La vie de saint Germain, vers 480 par le prêtre Constance : Alisiensi loco.

Autres graphies en page Accueil, dont Alesiensi loco (texte dans M.G.H., W.Lewinson, 1919)

 

Vie de st-Amâtre (388-418) rédigée par le prêtre Etienne l'Africain vers 575 : ex oppido alisiense

 

Vie de st-Germain de Paris rédigée par Venance Fortunat dans le dernier quart du VIe siècle : in pago alisiense (autres manuscrits : in pago aliense Xe , in pago alisiense XIe)

 

Vie de st-Loup, manuscrit du VIIe : iuxta alisiam

 

Le martyrologue Hieronymien, ouvrage de la fin du VIIIe :

 

Codex bernensis : in territorio Edua civitate, loco Alisia

Codex wissemburgensis : Edue civitate in Gallia, locum Alisiane

 

Testament de l'abbé Guire, vers 723

 

Sancte regine alsince

in pago alsince

in Alisconio

 

APPARITION D'ALESIA :

 

Le rédacteur est connu : Heri d'Auxerre vers 864

 

A peu près à la même époque vers 866 (et avant 871) a lieu la translation du corps de la martyre ste-Reine du mont Auxois à l'abbaye de Flavigny.

Le compte-rendu mentionne : Eversionis Alesiae causa, en effet, l'écrivain introduit deux paragraphes sur la Guerre des Gaules.

 

Possiblement le même rédacteur, soit Héri !

 

Avant ces deux textes du milieu du IXe siècle, il n'a jamais été question de la Guerre des Gaules ou d'Alésia à propos d'Alisia !

Subitement en deux ans la relation est faite, redécouverte d'une antique tradition ou création ex-nihilo par un auteur inspiré ?

 

LES FAITS :

 

Aucun auteur antique, pendant toute la période gallo-romaine n'identifie Alise avec Alésia !

Aucun auteur postérieur à l'époque romaine mais antérieur au IXe siècle, n'a de toute évidence connaissance de cette possible relation !

 

Après la chute de l'empire romain, il semble avéré que la connaissance du De Bello Gallico est perdue, le dernier auteur antique à faire référence à cette bataille est Orose vers 416/417 (toujours sans lien avec Alisia).

Après il faudra Héri et ses vers pour revoir les commentaires de César.

 

Et pourtant certains chercheurs, parmi les plus sérieux, nous affirment sans rire qu'Alisia a toujours été identifié à Alésia en se fondant sur une très ancienne tradition.

Tout cela, pourtant, sans l'aide d'aucun texte crédible.

 

L’HISTOIRE :

 

D'après certaines sources, il semblerait que tout (re)commence à l'abbaye de Fulda (Allemagne, fondation 744), où l'abbé de ferrières-en-Gâtinais, Loup, étudie sous la direction de Raban-maur.

Il découvre le Bellum Gallicum sur un exemplaire qui semble-t-il, appartenait à Eginhard (biographe de Charlemagne), puis il revient à Ferrières vers 836, à partir de ce moment le texte de César va commencer à se diffuser dans la région Seine-Yonne.

Cette notion est importante - puisque heureux hasard - il s'agit justement de la région où est située Alise.

 

On a la preuve que Loup connaissait le texte par une lettre qu'il écrit à son frère entre 841 et 847 :

 

Caius Julius César n'est pas un historiographe romain.

Les commentaires de la guerre des gaules, dont la renommée vous est parvenue, existent, et il n'y a rien qui, à ma connaissance, importe autant à l'Histoire...

Dès que je pourrai les avoir, j'aurai soin de vous les envoyer...

 

Or, le moine Héri est l'un des élèves de Ferrières, il prend donc connaissance de l'ouvrage césarien et prié par son abbé Lothaire de versifier la vie de st- Germain d'Auxerre, il a tôt fait de constater l'homonymie entre Alisia et Alésia.

De l'école d'Auxerre, le texte de César et conjointement l'identification d'Alise avec Alésia, se diffuse rapidement.

 

Cette identification influencera parfois certains textes du Moyen-âge avant d'être plus sérieusement diffusée par les antiquaires à partir de la Renaissance.

 

CONCLUSION :

 

Il est donc facile de constater qu'avant la redécouverte des commentaires de César, Alisia non seulement ne s'appelait pas Alésia, mais qu'il n'y avait même aucune relation entre les ruines de l'oppidum et la bataille ; comment peut-on dès lors faire d'une invention du IXe siècle une preuve qu'Alisia s'était nommée Alésia au 1er siècle av. J.-C. ?

 

SOURCE :

 

Tous les textes sont issus de J. Le Gall, E. de Saint-Denis, R. Weil et Abbé J. Marillier, Alesia, textes antiques et médiévaux : textes originaux et traductions, édition de 1973, les belles lettres.

 

 

Notes supplémentaires :

 

-Acte de la fondation de l'abbaye de Flavigny, texte du samedi 27 mai 719 :

 

...Sancte regine martyris...

 

Aucune mention du siège, aucune mention d'Alésia, aucun rapport à priori entre sainte Reine et Alésia ...

 

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

-Exploitation des textes censée crédibiliser l’antique tradition qui situe Alésia à Alisia, exemple :

 

( Extrait = Alésia.com)

 

Composée vers 480, la Vie de saint Germain, évêque d'Auxerre de 418 à 448, évoque son séjour à Alésia (in alesiensi loco). C'est la première mention (conservée) par une source locale de la forme latine classique Alesia au sujet du Mont-Auxois.

 

Toutes les copies de ce texte sont à priori postérieures au IXe siècle et il est facile de constater qu'elles ne délivrent pas toutes Alésia, loin de là...

Sans aucun doute parce que les textes postérieurs à l'identification du haut-moyen-âge ont été influencés par la nouvelle graphie du lieu, celle issue de la redécouverte des commentaires de César et de l'identification effectuée par Héri, celle-ci a parfois été corrigée en conséquence.

 

L'utilisation de ce texte et la publicité qui en est faite semblent donc abusifs.

 

Pour rappel :

Autres graphies postérieures à l'identification du IXème siècle (manuscrits non originaux):

In alefia (XIIIe) in Alesia(XVe) in alesensu loco (IXe) in alteriensi loco (XIIIe) in aliensi loco (Xe) in alisiensi loco (XIe) et in alesiensi loco (graphie de référence).

 

 

Sur la Vie de saint-Germain, il est utile de prendre l'avis du toponymiste Gérard Taverdet dans ses très intéressantes introductions à l'ouvrage : Noms de lieux de Bourgogne.

 

...plus tard le nom du Morvan réapparaît dans la vie de saint Germain (ces hagiographies anciennes ont souvent été remaniées à la fin du moyen-âge et il convient de se méfier de leurs informations, surtout dans le domaine de la toponymie).

 

On ne saurait mieux dire...