Réflexions sur les fouilles archéologiques à

Alise-Ste-Reine

MEMOIRES

      

ALESIA : Fouilles et recherches Franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont-Auxois (1991-1997) sous la direction de M. Reddé et S. von Schnurbein.

        

          

2 – LE MATERIEL

 

 

Cette partie qui traite du matériel au sens large, est aussi importante que la première, mais encore plus complexe, tant la datation des artéfacts doit être abordée avec prudence.

Toutefois une grande tendance chronologique se dégage de l’étude des matériels, même si la quantité recueillie en fouille moderne est faible.

Cette tendance ne confirme pas une datation sur l’horizon officiel de 52 Av. J.-C.

 

Il faut quand même noter que la date de –52 ne peut être totalement exclue , en effet tout indique que le siège d’Alise se situe bien pendant la Tène D2b, période qui s’étend de 55 à  25 av. J.-C.

Les archéologues sont donc fondés à proposer cette datation.

 

La réflexion s’appuiera majoritairement sur les monnaies, les fibules et  les céramiques, les armes seront exclues ou traitées à part.

En effet, la datation exacte des armes est très difficile à établir, voire dans bien des cas, impossible, le rapport est d’ailleurs sur ce sujet très nuancé.

En l’état actuel des connaissances, l’étude de l’armement n’amène pas grand chose dans le débat, il est certes prouvé qu’une partie de l’armement recueilli à Alésia est romain et plus précisément d’époque tardo-républicaine, mais si cela dégage une tendance, celle-ci couvre pratiquement toute la fin du 1er siècle av. J.-C.

Pour exemple, les centaines de clous de chaussures (caligae) retrouvés qui corroborent la présence de soldats romains sur place.

Majoritairement, il s’agit de clous « à la croix » avec point en relief à l’intérieur de chaque division (type D4-4), ce qui n’est pas étonnant puisqu’il s’agit du modèle le plus fréquemment rencontré.

Si fréquent qu’il en a même été retrouvé sur le site de Syam/Chaux-des-Crotenay…

 

Ci-après clou trouvé à Gergovie-Merdogne (contexte : rempart, chronologie 60 à 15 av. J.-C) :

 

   

Ci-après clou trouvé à Syam (contexte : camp Nord) :

 

 

   

La deuxième partie du rapport s’ouvre sur une introduction à l’étude du matériel par M.Reddé, l’analyse qu’il délivre est globalement assez pertinente, il semble donc intéressant d’en reproduire certains extraits :

 

Les objets retrouvés dans les fouilles d’Alise constituent, en théorie, un point de repère fondamental pour la chronologie de la tène finale, si discutée par les spécialistes.

Dans la mesure où le site est parfaitement daté, le matériel associé devrait représenter une aubaine inespérée, un point fixe comparable aux autres grands sites de la Lippe.

Malheureusement, la question est, dans la pratique, moins simple qu’il n’y paraît.

 

Les recherches du 19ème siècle ont livré un matériel assez abondant mais fortement sélectionné par les fouilleurs, les armes et les monnaies constituent l’essentiel du lot, à l’exclusion du petit équipement militaire (…) des amphores et des céramiques, sans doute trop fragmentés pour le goût du temps.

 

(…) on doit constater l’imprécision des données de fouilles du 19ème siècle sur la localisation des trouvailles (…) on n’a globalement qu’une très faible idée de la provenance précise des objets.

 

Cette série d’incertitude a naturellement servi les opposants à la thèse alisienne, faute d’un dossier documentaire impeccable (…).

A l’inverse, étant issues des fossés d’Alise, les monnaies celtiques ont le plus souvent été considérées par les numismates comme des éléments parfaitement datés, aptes à fonder une chronologie, du moins à fournir un terminus (S.Scheers. Traité de numismatique celtique II.

La Gaule Belgique, Paris. 1977).

 

On aurait pu s’attendre à ce que les nouvelles fouilles vinssent régler rapidement ces différentes controverses en fournissant un matériel abondant et bien daté. La question est malheureusement plus complexe qu’il n’y paraît. Les différentes campagnes menées depuis 1991 ont livré au total un matériel très peu abondant, malgré l’ampleur des travaux réalisés.

 

Seules les prospections de surface, menées au détecteur de métaux, s’avèrent – paradoxalement et, diront certains, scandaleusement – opérationnelles et productives puisqu’elles touchent précisément la zone de terre arable dont les archéologues ne peuvent réellement s’occuper et où réside désormais l’essentiel du matériel archéologique (…).

 

La fouille complète des fossés romains se serait avérée plus efficace, mais au détriment des autres structures, jusqu’ici inconnues (…).

 

Lorsqu’en revanche on vide un segment de fossé, on découvre une densité de matériel comparable à celle des fouilles du 19ème siècle (…).

 

Quand ces vestiges sont clairement identifiés et datés, ils peuvent être aisément discriminés.

Mais s’agissant de prospections de surfaces, au détecteur de métaux, le doute existe assez souvent et l’on doit à ce propos formuler une règle générale de bon sens ; les armes et l’équipement militaire appartiennent sans doute possible à l’époque du siège – sauf à supposer qu’Alésia n’est pas en Alise, ce qui compte tenu du dossier actuellement réuni, n’est plus sérieusement défendable (…).

 

Lorsque le matériel provient des fossés, d’autres questions, liées à la durée du comblement des structures, se posent nécessairement.

(…) plusieurs éléments de réponse existent : (…) Dans un segment de la circonvallation de Bussy, à été découvert, à mi-hauteur de comblement un bord d’amphore gauloise 3, ce qui indique que le fossé était encore ouvert 70 ou 80 ans après la reddition de Vercingétorix.

(…) Il est donc évident que la stratigraphie interne des fossés doit être considérée de très près si l’on veut étayer une chronologie du matériel, car des intrusions postérieures à l’épisode césarien y sont donc possibles mais fréquents...

 

On doit enfin se souvenir que le terrain dans lequel les légionnaires de César ont creusé leurs défenses n’était pas vierge d’occupation (…). ce qui explique qu’on découvre des tessons de l’âge du bronze mêlés à du matériel gallo-romain, voire médiéval dans la circonvallation, près du carrefour de l’épineuse.

 

On prendra garde par conséquent de ne pas appliquer automatiquement l’équation " matériel d’Alésia = 52 av. J.-C " .Notre réserve est toutefois pour l’essentiel d’ordre

méthodologique (…).

 

Le problème de l’armement est différent : à quelques exceptions près, les recherches actuelles ont révélé peu de grosses pièces métalliques capables de compléter la collection du musée des antiquités nationales (…).

 

Après sept années de fouilles, la réponse de l’archéologie de terrain, quelle que soit la prudence des spécialistes du matériel, est clair , nette et définitive (…)

(Le matériel) tel qu’il se présente, avec sa diversité et sa complexité, constitue malgré tout un ensemble de référence unique au monde, moins en raison de la célébrité historique de l’épisode d’Alésia que par sa date de constitution, pour laquelle les points de repères chronologiques fiables sont si rares.

       

La synthèse de M.Reddé ne pouvait être reproduite ici dans son intégralité malgré son intérêt , et il va de soi que les nuances apportées par son auteur sont inhérentes à toute recherche archéologique.

Il ne saurait donc être reproché aux fouilleurs de 91/97 de ne pouvoir apporter une réponse à l’ensemble des problèmes et interrogations issus du terrain.

 

Toutefois, il est possible de noter deux contradictions importantes, l’une est d’ordre générale, l’autre est d’ordre méthodologique.

 

D’après M.Reddé il est clair que « compte tenu du dossier actuellement réuni, il n’est plus sérieusement défendable de supposer qu’Alésia n’est pas en Alise

Or il y a contradiction flagrante entre des artéfacts qui manifestement ne représentent pas une "aubaine inespérée", alors qu’à quelques exceptions près, cela aurait dû être le cas, et la certitude que nous sommes sur un site parfaitement daté.

 

 

La deuxième contradiction réside dans l'argumentation de M.Reddé lorsqu'elle concerne la prospection de surface.
Celle-ci d'après lui, est « scandaleusement opérationnelle et productive », ce qui est vrai puisque l'essentiel du matériel retrouvé en fouilles modernes vient de là; au contraire des artéfacts issus des fossés qui sont en nombre limité.
Cette disproportion vient comme on l'a vu d'un choix de fouille, puisque « lorsqu'en revanche on vide un segment de fossé , on découvre une densité de matériel comparable à celle des fouilles du 19ème siècle ».
Et lorsque « la stratigraphie interne des fossés a été considérée de très près, ces artefacts servent à étayer une chronologie du matériel
».

   

Il s’avère donc que les matériels issus des fossés ont une pertinence chronologique de loin supérieure à ceux issus de prospection où « le doute existe assez souvent … ».

 

Or il y a  là aussi une contradiction flagrante entre une datation liée en grande majorité a de la prospection de surface  (et à celle issue des fouilles du XIXe), dont le contexte est loin d’être assuré, et l’affirmation que « la réponse de l’archéologie de terrain, quelle que soit la prudence des spécialistes du matériel, est claire, nette et définitive. »

 

Que devient cette chronologie si ostensiblement affirmée lorsqu’on ne s’intéresse qu’au matériel issu d’une stratigraphie fiable ?

 

 

 

LES MONNAIES GAULOISES

      

   

LES MONNAIES GAULOISES : ENSEIGNEMENTS ET QUESTIONS

Par Brigitte Fischer p. 11 à 39

 

    

Il n’est pas question, ici, de remettre en cause l'ensemble des conclusions des divers numismates qui ont travaillé sur le sujet, et notamment celles concernant la nature des monnaies retrouvées à Alise.

En effet, il a été retrouvé au XIXe siècle à Alise, plusieurs monnaies de bronze frappées au même type que des statères d’or trouvés en prospection.

Certaines de ces monnaies sont à rapprocher de Vercingétorix.

 

La présence de ces pièces, dont certaines sont inconnues hors d’Auvergne, a été interprétée comme étant représentative d’émissions monétaires exceptionnelles liées au siège d’Alise, autrement dit nous aurions affaire à des monnaies obsidionales.

 

La nature de ces pièces et leur présence à Alise constitue donc un mystère.

L’assimilation de ces pièces avec le siège d'Alésia peut donc paraître logique, tout comme le nombre important de pièces de divers peuples gaulois récoltées à Alise, que l’on peut éventuellement mettre en parallèle avec les effectifs de l’armée de secours ou avec l’itinéraire de Jules César pendant les mois qui ont précédé l'événement.

 

Pour le reste, à partir de l’excellent travail de Brigitte Fischer dont l’objectivité est à souligner, il est possible d’arriver à des observations qui pour le moins, nuancent sérieusement les conclusions précédentes.

 

 

 

LE CONSTAT BRUT :

 

  

Au XIXe, 466 monnaies celtiques ont été recueillies par les fouilleurs de Napoléon III, la quasi totalité de ces monnaies ayant été trouvées dans un seul fossé de 200 m de long (500 m dans l'histoire de Jules César p. 317) dans des conditions que les archives ne permettent pas de préciser.

On dénombre 239 monnaies trouvées en prospection (détecteur de métaux) menées au XXe.

 

Et 23 monnaies lors des fouilles 91/97.

 

Hors prospection, on remarque une forte disproportion entre la quantité de monnaies recueillies au XIXe et celles issues des dernières fouilles, il est probable qu’une partie de ce médiocre résultat est dû à la politique de fouilles.

Et autant dire que le corpus de 23 monnaies retrouvé en fouilles modernes est peu exploitable.

 

Concernant les monnaies retrouvées au XIXe dans le fossé au pied du Réa, et qui ont été très longtemps attribuées par la majorité des historiens et archéologues à l’affrontement final au pied de la colline du Nord, il convient d’apporter une précision nécessaire.

Les archives étant lacunaires, il faut faire preuve de prudence, mais il est toutefois permis de remarquer que d’après les notes de V.Pernet (chef de chantier à l’époque), les ramassages de monnaies se sont déroulées de 1862 à 1865 sur sept endroits différents : Réa et Marcellois ; circonvallation rive gauche de l’Ozerain ; plaine des Laumes , rive droite de l’Ozerain ; dans le troisième fossé de contrevallation de la plaine des Laumes ; castellum des fenaults (camp K) rive gauche de l’Ozerain ; voie romaine des Fenaults et montagne de Flavigny.

(Voir J.B Colbert De Beaulieu, épilogue numismatique de la question d’Alésia, mélanges … Piganiol, 1966, p 324).

 

Or, et sans vouloir extrapoler sur les quantités effectivement recueillies dans le fossé du mont Réa et celles récoltées par ailleurs, il faut noter que « finalement » elles ont été majoritairement retrouvées « d‘un seul coup » au pied du Réa, à l’emplacement du pseudo camp D.

Les quantités recueillies lors de l’ensemble des fouilles du XIXe  s’élèvent, toutes monnaies confondues (romaines et celtiques) au nombre de 613, dont 600 (!) dans le seul fossé du Réa (voir par exemple à ce sujet l’ Histoire de Jules César par Napoléon III ou Jérôme Carcopino, Alésia et les ruses de César p. 100).

 

Cette récolte impressionnante (et bienvenue) est contredite par les prospections modernes, et surtout par les dernières fouilles qui, monnaies celtiques et romaines confondues ont livrées 37 monnaies exhumées des fossés, ce corpus si faible soit-il, démontre que les fouilleurs du XIXe qui avaient vidé de nombreux fossés, avaient fatalement mis la main sur des dizaines ou des centaines de monnaies, opportunément regroupées à l’endroit le plus judicieux, soit évidemment le lieu supposé de la bataille finale.

 

En définitive, il s’avère que nous ne connaissons, ni la provenance exacte de ces monnaies, ni de toute façon leurs positions stratigraphiques initiales dans les fossés.

 

Pour mémoire, le corpus monétaire romain et celtique toutes fouilles confondues, s’élève à 895 monnaies.

 

Dans l’ensemble de ce corpus, quelle est la part des monnaies effectivement liées au siège ?

Et la part liée à d’autres événements ou à une circulation monétaire normale ?

 

Pour ce qui concerne les fouilles en prospection, elles sont à exploiter avec circonspection, toutes ces monnaies retrouvées en surface ont pu être perdues à des époques différentes, là aussi la part des monnaies liée au siège et celle issue d’une circulation normale n’est pas déterminable .

 

Quant aux monnaies issues des dernières fouilles, leur nombre anecdotique, leur nature et la position stratigraphique de découverte (majoritairement dans les comblements supérieurs des fossés), ne permettent aucune conclusion.

 

A noter qu'a priori, la seule monnaie celtique retrouvée en fouille moderne et issue d‘une stratigraphie exploitable, est un bronze frappé, à légende CALIAGIIS, appartenant soit, aux  Bituriges Cubi, soit aux Carnutes, mais l’attribution reste malgré tout incertaine.

Cette monnaie était posée au fond de l’avant fossé de contrevallation de la plaine de Grésigny (chantier XIX).

     

  

LES MONNAIES EN RAPPORT AVEC LES EFFECTIFS DE L’ARMEE DE SECOURS :

  

   

Pendant longtemps les monnaies retrouvées à Alise ont été considérées comme représentatives des divers peuples composant l’armée venue au secours de Vercingétorix.

Cette hypothèse qui repose sur des bases fragiles a été démentie de manière assez logique par M. Reddé :

 

Les armes et les monnaies retrouvées au pied du Réa ne sauraient davantage appartenir à l’armée de secours : que l’on sache, celle-ci venait de l’extérieur, et ne peut s’être heurtée aux défenses de la ligne intérieure de contrevallation (…).

 

D’ailleurs, il suffit de s’intéresser à la composition de l’armée de secours pour comprendre que l’hypothèse, parfois encore défendue, est peu rationnelle.

Elle peut toutefois paraître logique pour le contingent Arverne :

 

Arvernes : 119 monnaies / effectifs = 35 000 hommes + (80 000 hommes au bas mot sur l'oppidum).

 

Si le corpus monétaire Arverne est quantitativement le plus important, on peut remarquer néanmoins qu’il est d’une faiblesse relative eu égard à la centaine de milliers d’hommes composant l’effectif Arverne.

 

Éduens : 88 monnaies / 35 000 hommes

 

Armoricains : aucune monnaie / 20 000 hommes

 

Quelle logique peut bien présider à l’absence totale des monnaies Armoricaines ?

 

Séquanes : 100 monnaies / 12 000 hommes

     

Avec un effectif humain huit fois moins important que les Arvernes et trois fois moins important que les Eduens, le nombre de monnaies attribuées aux Séquanes est impressionnant. Quelle explication ?

                

Sénons : 68 monnaies / 12 000 hommes

 

Bituriges : 58 monnaies / 12 000 hommes

 

Carnutes : 54 monnaies / 12 000 hommes

 

Rutènes : 1 monnaie / 12 000 hommes

 

Santons : aucune monnaie / 12 000 hommes

 

Helvêtes : aucune monnaie / 8 000 hommes

 

Pourquoi ces trois derniers peuples aux contingents importants n'ont-ils laissé aucune monnaie ou presque ?

 

Il paraît inutile de continuer la liste tant il est illusoire de vouloir trouver une cohérence entre les monnaies et les effectifs humains.

 

Il n’est pas inutile non plus de noter que le recensement rigoureux de ces effectifs nous est donné par César, et il faut rappeler aussi qu’il ne s’agit pas de chiffres prévisionnels ou d’estimations.

Il paraît probable que l’ensemble de cette armée a effectivement rejoint Alésia :

 

Mais tel fut l'empressement universel des Gaulois pour recouvrer leur liberté et reconquérir leur ancienne gloire militaire, que ni les bienfaits ni les souvenirs de l'amitié ne purent les toucher, et que nul sacrifice ne coûta à leur zèle,  puisqu'ils rassemblèrent huit mille cavaliers et environ deux cent quarante mille fantassins.

Ces troupes furent passées en revue et le dénombrement en fut fait sur le territoire des Héduens ; on leur choisit des chefs, et le commandement général fut confié à l'Atrébate Commios, aux Héduens Viridomaros et Eporédorix, et à l'Arverne Vercassivellaunos, cousin de Vercingétorix.

On leur donna un conseil, formé de membres pris dans chaque cité, pour diriger la guerre. Tous partent vers Alésia, pleins d'ardeur et de confiance ; aucun ne croyait qu'il fût possible de soutenir seulement l'aspect d'une si grande multitude, [7,76] 

 

 

Pour revenir brièvement sur l’analyse de M.Reddé, celui-ci accrédite l’hypothèse de combats acharnés sous le Réa menés par l’armée de Vercingétorix tentant une sortie ; cette hypothèse est sujette à caution, en effet la présence de carcasses de chevaux dans le fossé du Réa alors même que les assiégés n’en possédaient plus, ne s’explique pas.

Le niveau stratigraphique des ossements pose lui, un autre problème.

 

La plupart des spécialistes s’accordent donc maintenant pour affirmer que les pièces recueillies à Alise sont représentatives du parcours de César - les mois précédant le siège d’Alésia - soit pour simplifier : Sens = Sénons , Orléans = Carnutes , Bourges = Bituriges , Gergovie = Arvernes.

Comment cette hypothèse, qui ne manque pas de pertinence, se retrouve-t-elle dans le nombre de monnaies présentes à Alise, toutes époques de fouilles confondues ?

 

119 Monnaies Arvernes    

100 Monnaies Séquanes

  88 Monnaies Eduennes 

  68 Monnaies Sénones (32 potins ne seraient pas attribués avec certitude aux Sénons)

  58 Monnaies Bituriges

  54 Monnaies Carnutes

 

La présence de monnaies Eduennes peut s’expliquer aisément dans le contexte du siège d’Alésia, les liens entre César et le peuple Eduen sont connus, et la présence de la cavalerie Eduenne au côté de César, notamment lors de l’épisode de Gergovie, a pu générer de nombreux échanges monétaires.

 

Par contre la très forte quantité de numéraire Sequane ne trouve aucune explication dans ce schéma et contredit du moins en partie la théorie des monnaies liées au parcours de César.

 

Y-a-t-il d’autres conclusions à tirer si on continue la liste des monnaies présentes en nombre significatif ?

 

32 monnaies Lingonnes (les potins au nombre de 20 seront fréquents dans l’Alise gallo-romaine)

19 monnaies à légende Sequanoïotuos (monnaie fréquente dans le quart-Nord-Est de la Gaule)

14 monnaies pictonnes (attribution contestée, 13 monnaies ne seraient pas pictonnes)

14 monnaies de la Gaule de l’Est

13 monnaies des Leuques

13 monnaies de Marseille

  8 monnaies des Turons

  7 monnaies des Suessions

 

On constate avec une certaine logique, qu’à l’exception des monnaies Arvernes, les principaux peuples voisins du territoire Alisien, sont représentés en nombre significatif, et notamment les plus importants : Séquanes, Eduens, Bituriges, Carnutes, Lingons, Gaule de l’Est (y compris Sequanoïotuos et Leuques), Sénons (?).

 

Si on ne peut rejeter formellement l’idée que la présence de ces monnaies, soit pour partie liée au siège, il est flagrant de constater qu’une circulation monétaire locale se révèle être l’hypothèse la plus logique pour la majorité des monnaies.

D’ailleurs, si on veut bien se reporter aux concordances entre effectifs humains et monnaies (qu’il faudrait développer jusqu’au bout), l’importante présence de monnaies Séquanes et a contrario l’absence de monnaies Santonnes, Rutènes, Helvêtes, corroborent logiquement une utilisation quotidienne et régionale des monnaies à Alise.

 

Une circulation monétaire liée au échanges commerciaux est aussi tout à fait plausible, d’ailleurs Alise se situe sur un axe commercial important, et il semblerait rationnel qu’une partie au moins du numéraire en soit issue.

Outre les monnaies issues de peuples des régions voisines de l’oppidum, la présence de monnaies de Marseille ou celles attribuées aux Turons, pourrait être représentative des axes commerciaux rhodaniens et ligériens.

 

 

 

 

LES MONNAIES ARVERNES :

 

    

97 monnaies découvertes au XIXe siècle

19 monnaies découvertes en fouilles récentes (18 en prospection, 1 lors des fouilles de 91/97)

 

Comme pour l’ensemble du corpus monétaire, on ne peut que constater l’énorme disproportion entre la moisson du XIXe et celle du XXe.

 

4 monnaies de " bronze " frappées aux même type que les monnaies d’or au XIXe siècle.

(dont une avec inscription VERCI lisible)

 

2 statères d’or en prospection

 

 

10 monnaies d’argent anépigraphes au XIXe siècle

 

Aucune lors des fouilles et prospections du XXe

 

 

8 monnaies d’argent à légende PICTILOS au XIXe

 

Aucune lors des fouilles et prospections du XXe

 

 

3 monnaies d’argent à inscription IIPOMIID au XIXe

 

1 monnaie d’argent à inscription IIPOMIID en prospection

 

 

3 monnaies d’argent à légende EPAD au cavalier au XIXe

 

Aucune lors des fouilles et prospections du XXe

 

     

      

Que faut-il remarquer dans ce premier inventaire ?

 

Si nous avons bien à Alise 4 monnaies de " bronze " frappées au même type que les statères d’or, il faut remarquer que les bronzes sont tous issus des fouilles du XIXe alors que les statères sont eux issus de prospection moderne.

 

Il faut aussi noter que suivant une étude scientifique récente (2004) :

les quatre monnaies de " bronze "... ne sont pas en bronze !

Ces monnaies sont en orichalque, autrement dit en laiton.

Il n'a été observé en Gaule, dans cet alliage, aucune monnaie antérieure aux trois dernières décennies du 1er siècle av. J.-C. La diffusion de ces monnaies n'intervenant pas réellement avant l'époque augustéenne .

L'étude réalisée au CNRS d'Orléans par S.Nieto est capitale en terme de datation, elle n'a fait l'objet d'aucune publicité par les archéologues alisiens.

 

Concernant les monnaies d’argent, la différence de récolte est encore plus flagrante, sur 25 pièces en argent, seule une est issue des fouilles modernes et encore celle-ci provient de prospection.

On peut remarquer de surcroît qu’il ne s’agit sans doute pas de hasard puisqu’il s’agit d’une monnaie à légende IIPOMIID, cette monnaie a connu une très large diffusion hors d’Auvergne.

 

La récolte monétaire des bronzes n’appelle pas de commentaires particuliers :

 

Les 5 bronzes à légende CALIIDV sont tous issus des fouilles du XIXe.

La récolte des bronzes à légende ADCANAUNOS (14 exemplaires), est répartie suivant une proportion d’une monnaies sur trois recueillie en fouille moderne, proportion assez faible donc par rapport à la moisson du XIXe, mais on constate une assez bonne homogénéité du corpus.

 

Les monnaies de type ADCANAUNOS sont des monnaies très fréquentes en Auvergne, notamment sur les sites de Corent et de Merdogne, elles sont datables de l’époque de la guerre des Gaules.

 

Globalement on observe donc sur le corpus monétaire Arverne, une différence de récolte très importante entre le XIXe et le XXe siècle, tant en nature qu’en quantité, différence qui ne s’explique pas.

 

On observe aussi qu’il n’a pas été récolté – à l’exception toutefois d’une seule, en prospection – de monnaies d’argent lors des dernières fouilles, alors que la récolte avait été significative au XIXe, là encore cette distorsion est non-explicable.

 

La récolte monétaire Arverne en bronze repose sur une diffusion plus homogène et cette fois ci, les monnaies ont été mises au jour dans tous les types de fouilles, ce corpus semble donc en l’espèce, le plus exploitable.

 

Il convient de revenir sur la présence en nombre des monnaies de bronze à légende CICIIDV BRI/IIPAD (EPAD au cavalier, 69 exemplaires) dont on a vu dans le chapitre «  comblement des fossés » qu’un exemplaire avait été trouvé en fouilles modernes.

 

La présence des monnaies celtiques sur le site d’Alise sert depuis le siècle dernier de jalon chronologique, l’émission des monnaies EPAD au cavalier a donc été datée, de fait, de l’époque de la guerre des Gaules, et la présence de ces monnaies attribuée tout naturellement aux soldats de Vercingétorix et au contingent Arverne de l’armée de secours  ou à ses alliés).

 

Cette hypothèse est parfaitement valable d’un point de vue théorique, surtout si l’on considère le nombre de monnaies Arvernes recueillies, mais d’un point de vue pratique, la question est autrement plus complexe.

 

L’absence - à priori - totale de monnaies Arvernes sur l’oppidum d’Alise lui-même, ne corrobore pas la présence de 80000 combattants Arvernes ou assimilés, surtout si un atelier monétaire était censé fonctionner sur place.

 

Toutefois,  il paraît logique d’accréditer la thèse que les monnaies type EPAD au cavalier soient contemporaines de la guerres des Gaules (ce fait est d'ailleurs corroboré par les analyses scientifiques qui datent le métal vers -60), en effet il semblerait que l’émission de monnaies type EPAD au guerrier qui a suivi soit postérieure.

Cette « deuxième » émission semble liée à l’Arverne Epasnactus dont tout indique qu’il fut l’allié de César à partir de  l’année 51 av. J.-C.

 

L’absence de cette monnaie à Alise a donc de manière tout à fait évidente, corroboré la chronologie du siège, qui de fait ne pouvait être postèrieur à 51 av. J.-C.

 

Qu’en est-il réellement ?

 

Pour établir une comparaison éclairante il faut se tourner vers les 3 oppida les mieux fouillés du territoire Arverne : Corent, Gondole et Gergovie-Merdogne.

 

Pour schématiser , l’occupation de Corent est très importante jusqu’au milieu du 1er siècle av. J.-C. avec déclin rapide par la suite.

L’occupation de Gondole semble commencer à la Tène D2a pour s’épanouir surtout pendant la Tène D2b, soit dans la deuxième moitié du 1er siècle av. J.-C. avec une fin d’occupation assez nette à l’entrée de l’époque augustéenne.

L’oppidum de Merdogne semble être occupé plus densément à la suite de la désaffection partielle de Corent, à partir de la deuxième moitié du 1er siècle av. J.-C. et pendant l’époque gallo-romaine.

 

L’oppidum de Corent possède donc un corpus monétaire significatif de monnaies de type ADCANAUNOS.

Merdogne à l’inverse possède un corpus monétaire de type EPAD au guerrier assez important.

 

A noter que lors des dernières fouilles à Gergovie, les exemplaires de type EPAD au guerrier n'ont pas été trouvés dans les niveaux de la Tène D2b mais majoritairement dans des niveaux approximativement datables de -10 à + 20 ap. J.-C.

 

L’oppidum de Gondole présente aussi un corpus monétaire en cohérence avec sa phase d’occupation.

Le corpus monétaire recueilli est faible mais présente la particularité d’avoir été recueilli en contexte bien souvent clos, on note 17 pièces à légende ADCANAUNOS et 14 à légende CICIIDV BRI/IIPAD (EPAD au cavalier).

Par contre, il faut noter le faible corpus de pièces EPAD au guerrier (6), alors même que l’occupation de l’oppidum se situe en pleine Tène D2.

Le corpus monétaire confirme d’une part que la circulation des monnaies celtiques s’inscrit sur une durée assez longue, puisque nous avons une proportion significative de monnaies type ADCANAUNOS et EPAD au cavalier, et ceci pendant toute la Tène D2b.

D’autre part, alors même que Gondole est à proximité immédiate de Corent et Gergovie, pourquoi une si faible représentation de monnaies EPAD au guerrier (*) ?

 

(*) Il faut noter sur le sujet une autre hypothèse issue d'une étude plus récente de B.Fischer (chronique numismatique, 2004), celle-ci éclaire d'un jour nouveau la problématique de la datation du site par les monnaies :

 

S. Nieto a publié plusieurs articles. L'un est consacré au monnayage d'or arverne. L'étude de 137 pièces du Ier s. av. J.-C. a permis d'associer le classement typologique aux résultats d'analyses. Des groupes de composition et d'émissions monétaires ont été déterminés. Une chronologie relative a été établie grâce à l'examen du titre et de l'altération des monnaies (Nieto, Barrandon 2002).

 

Les monnaies d'argent ont fait l'objet d'une autre publication (Nieto 2002). 80 pièces ont été analysées à Orléans par activation aux neutrons rapides de cyclotron. Elles correspondent à 9 types, dont 4 sont épigraphes. Il s'agit de deux séries à inscription EPAD (types au cavalier et au guerrier), Ceux qui portent les légendes ... EPAD (type au cavalier) ont été utilisés vers 60 av. J.-C. Le type EPAD au guerrier semble datable aux environs de 30 av. J.-C.

 

Si cette datation autour de 30 av. J.-C. pour les EPAD au guerrier était confirmée, elle expliquerait pourquoi cette série est si peu représentée sur le site de Gondole (occupation plutôt centrée autour du milieu du 1er siècle av. J.-C. - numéraire " au guerrier " issu des niveaux les plus récents : pré-augustéens) et pourquoi elle est très présente à Gergovie-Merdogne dont l'occupation augustéenne très importante, n'est plus à démontrer.

Et elle démontrerait de manière logique pourquoi un siège à Alise dans le troisième quart du 1er siècle av. J.-C. pourrait, de manière totalement rationnelle, ne pas comporter de monnaies EPAD au guerrier.

 

On le voit, la datation d’un site avec des monnaies celtiques ne peut se concevoir que si le contexte qui accompagne la proposition de chronologie est relativement assuré, or à Alise il s’agit d’un siège dont la datation est beaucoup plus difficile à établir que sur un site à occupation longue type oppidum.

Et pourtant que d’affirmations péremptoires…

 

Concernant les monnaies Arvernes proprement dites et sans doute de nombreuses autres, un aspect a été, de plus, totalement éludé à Alise.

Les monnaies retrouvées à Alise sont pour la plupart assez usées, non pas corrodées par le temps passé sous terre, comme on pourrait le penser, mais usées par une utilisation habituelle…

 

Or il paraît évident qu’obnubilé par le corpus monétaire Arverne retrouvé à Alise et par sa relation avec la guerre des Gaules (particulièrement avec l’année –52), on a tout simplement oublié de s’intéresser à l'évidente circulation de ces monnaies après leur émission.

 

En 52 av. J.-C. il est hautement probable que les Arvernes ont fabriqué en quelques semaines voire en quelques jours, une quantité importante de monnaies, ce fait est d’ailleurs confirmé par César :

 

La nouvelle de la défection des Héduens propagea la guerre.

Des députations sont envoyées sur tous les points ; crédit, autorité, argent, tout est mis en usage pour gagner les différents états. Nantis des otages que César avait déposés chez eux, ils menacent de les faire périr pour effrayer ceux qui hésitent.

Les Héduens invitent Vercingétorix à venir conférer avec eux sur les moyens de faire la guerre. [7,63] 

 

Cette émission monétaire exceptionnelle et réalisée dans l'urgence est parfaitement lisible à Alise :

 

Les 25 pièces d’argent sont lourdes. Neuf exemplaires sont de fabrication défectueuse : ils ont, en effet, été frappés avec des coins trop grand pour la taille des flancs.

Les images empreintes sur les deux faces sont toujours incomplètes, le plus souvent décentrées, d’où les difficultés que nous rencontrons pour l’identification des types.

 

Soixante huit bronzes complètent cette distribution (…) la plupart de ces pièces sont de fabrications médiocre : module réduit, mauvais centrage, gravure défectueuse et usure avancé.

 

 

Clairement une bonne partie du corpus monétaire Arverne a été fabriqué dans un laps de temps assez court, vraisemblablement en territoire Arverne qui possédait tous les ateliers monétaire nécessaires.

 

Deuxième point complètement négligé par les numismates, l’usure des pièces.

Les pièces retrouvées à Alise, si elles témoignent vraisemblablement de l’effort de guerre Arvernedans les semaines qui précèdent l’épisode d’Alésia, témoignent aussi d’une circulation prolongée, le degré d’usure accrédite une utilisation sur plusieurs années.

 

 

Constituaient-elles à ce moment précis, l’essentiel de la circulation monétaire à l’échelon du petit commerce quotidien ?

Nous ne possédons pas d’éléments de réponse sûrs, mais la question mérite d’être posée .

Les observations concernant ces monnaies peuvent s’appliquer à l’ensemble des bronzes : leur médiocre réalisation technique et leur usure attestant une circulation prolongée, sont des caractères frappants.

 

Conclusion globale par Brigitte Fischer :

  

  

La récolte des fossés résulte de fouilles. Le faciès est conforme à ce que nous savons de la circulation monétaire à cette époque et les pièces recueillies ont valeur de repères chronologiques.

En revanche, les monnaies découvertes au cours des prospections présentent un caractère fortuit, aléatoire.

Pour les numéraires gaulois aussi bien que romains, nous constatons un certain nombre d’aberrations, qui sont inexplicables en l’état actuel de nos connaissances.

 

 

 

MONNAIES ARVERNES, CONCLUSION :

 

    

Nous avons affaire à des pièces dont la fabrication a été «  baclée ».

Ces pièces si on observe les corpus monétaires des oppida Arvernes ont, selon toute vraisemblance, été fabriquées à l’époque de la guerre des Gaules ou peu après.

Par contre ces pièces pour la plupart fortement usées par l’usage courant, démontrent que le siège d’Alise se situe plusieurs années après la fin de la guerre des Gaules.

Effectivement, le simple bon sens implique que ces pièces n'ont pu être fabriquées et en même temps usées lors de la courte période concernée.

 

Les monnaies en orichalque viennent tout naturellement confirmer la chronologie induite par l'usure des pièces Arvernes, puisque à preuve du contraire leur fabrication n'a pu intervenir, au mieux, que dans la décennie précédant 30 av. J.-C.

 

   

       

    ANNEXE :

 

LES STATERES D'OR :

 

Vercingétorix coiffé d'un casque avec couvre-nuque et collier autour du cou.

 

Pièces légères et de mauvais aloi : à peine 40 % d'or sur un poids total moyen de 7.30 g.

Un statère d'or de bonne qualité comporte 8 g d'or.

 

Les défauts de fabrication : images mutilées, souvent tronquées, mal centrées, une partie seulement de la légende ou des motifs.

Nombreuses imperfections techniques : éclats sur les marges, tranches irrégulières.

Techniques défaillantes ou approximatives.

Les flans (rondelles de métal) sont plus petits que les coins (les poinçons) qui gravent les images, d'où des images incomplètes.

L'alliage en or de mauvaise qualité devient cassant et donne des fractures.

 

 

LES MONNAIES ROMAINES

      

LES MONNAIES ROMAINES

Par Laurent Popovitch p. 69 à 94

 

Comme nous venons de le voir, il paraît pour le moins délicat de tirer des conclusions définitives de l’étude des monnaies celtiques.

Par contre et de prime abord, l’étude des monnaies romaines ne présente pas de difficultés, le corpus monétaire retrouvé au XIXe est parfaitement circonscrit chronologiquement, de 211 à  54 av. J.-C, ce terminus est en parfaite adéquation avec l’hypothèse d’un siège ayant eu lieu en 52 av. J.-C.

 

D’ailleurs, L. Popovitch confirme la chronologie de 52 av. J.-C. :

 

Occasion rare, nous savons ici a priori que, sauf intrusion exceptionnelle, presque toutes les monnaies ont été perdues ou enfouies à la fin de l’été 52 av. J.-C. ; la durée de circulation des séries monétaires présentes peut donc être déduite et être comparée à leur degré d’usure.

 

Et pourtant comme pour les monnaies celtiques, le contexte des découvertes des monnaies romaines n’est pas fiable et ne saurait être réellement utilisé pour la datation du siège d’Alise.

 

D’après l’appendice C de l’histoire de Jules César, les 134 monnaies romaines retrouvées au XIXe paraissent toutes venir des fossés du pseudo camp D, sous le Réa.

Et pourtant : Les fouilles récentes ont permis de déchiffrer cette zone confuse et de réfuter définitivement.

La présence d’un camp à cet endroit (vol 1 , p. 467).

 

Que nous apprennent les notes personnelles de V. Pernet :

 

Rive droite de l’Oze 1 ex

Tranchées entre l’Oze et le chemin de Ménétreux 4 ex

Plaine de Grésigny , vers le chemin des Laumes 28 ex

Dans la plaine de Grésigny 89 ex

Dans les tranchées de la plaine des Laumes 11 ex

Circonvallation, rive gauche de l’Ozerain 3 ex

 

Si l’on en croit ce décompte, dans le meilleur des cas, sur les 134 monnaies romaines découvertes « dans » les fossés du camp D, seules 89 pourraient éventuellement en provenir.

Comment un tel contexte, si aléatoire, peut-il continuer à être utilisé sérieusement ?

 

Si les découvertes du XIXe sont à manier avec précaution, peut-on au moins se fier aux fouilles modernes ?

 

Parmi les quinze monnaies des prospections magnétiques, sept proviennent du camp C, sept du camp B et une du castellum 11, (…)  si les contextes archéologiques ont été ignorés par cette pratique même, nous savons que la totalité de ces monnaies ont été recueillies à l’intérieur des camps romains.

Les contextes archéologiques des quinze monnaies découvertes au cours des fouilles récentes ne sont pas césariens.

Deux exemplaires ont été trouvés en surface aux abords de la contrevallation de la plaine des Laumes, un autre sur le fossé de la circonvallation du mont Bussy, un autre provient du petit cimetière gallo-romain installé dans le camp C, enfin une série de onze exemplaires provient du murus gallicus de la croix st Charles qui est daté du 1er siècle de notre ère.

 

De manière logique et comme pour les monnaies celtiques, pas de contexte pour les fouilles en prospections.

La récolte par cette méthode est de 10 monnaies républicaines et 5 impériales.

 

Lors des fouilles 91/97, il a été trouvé 14 monnaies impériales dont une dizaine proviendraient de la pollution d'une nécropole gallo-romaine sur l’oppidum, dans le secteur de la croix st Charles.

 

Il n’a été trouvé aucune monnaie dans les différents niveaux stratigraphiques des fossés autres que superficiels.

 

De manière rationnelle, il semble donc évident que la récolte monétaire issue des prospections et des dernières fouilles est inexploitable.

 

La récolte issue de prospections sur les camps romains dits césariens, est composée de monnaies républicaines et impériales, il est donc difficile d’en tirer quelque conclusion que ce soit sur l’époque d’occupation.

 

La récolte issue des dernières fouilles se révèle encore plus improductive, à l’image du corpus monétaire celtique, la récolte est anecdotique.

Onze monnaies impériales sont très certainement issues de pollutions postérieures au siège.

Trois des monnaies proviennent des comblements supérieurs des travaux de siège, et toutes sont aussi d’époque impériale.

Aucune monnaie n’est républicaine.

 

Il ne reste donc à exploiter que le corpus monétaire issu des fouilles du XIXe siècle, en faisant abstraction du contexte très aléatoire de leur découverte.

 

L. Popovitch s’est essayé à l’exercice, voici les diverses hypothèses issues de ses réflexions :

 

Les vestiges d’une cérémonie ?

 

Nous ne connaissons pas la position exacte qu’occupaient ces cent vingt monnaies romaines par rapport aux monnaies gauloises, aux armes, aux ossements humains et aux carcasses de chevaux.

(…) cette masse de mobilier hétérogène accumulée en un seul lieu a été interprété comme étant les vestiges d’une cérémonie romaine.

Mais peut-on imaginer les romains abandonner autant d’armes intactes, que leurs ennemis auraient pu récupérer (…) ou des monnaies romaines ou gauloises en argent ?

En revanche peut-être ont-ils érigé un trophée ?

Peut-il s’agir des reliefs d’une cérémonie funéraire gauloise ou d’un dépôt du type que l’on rencontre dans les sanctuaires indigènes ?

Mais quels auraient été les acteurs d’une telle cérémonie ?

 

Le résultat d’un nettoyage ?

 

L’hypothèse d’un nettoyage du champ de bataille dont les restes auraient été versés dans un fossé n’est pas beaucoup plus convaincante.

S’ils n’ont pas été brûlés sur un bûcher suivant la coutume funéraire de l’époque, les corps ont dû être enterrés à part (…).

 

Des monnaies perdues ?

 

Ces objets ont pu être perdus au cours des batailles ou ont pu accompagner des soldats romains et gaulois tombés à terre.

Cette interprétation traditionnelle n’est pas à exclure.

 

Un dépôt monétaire ?

 

Ce lot de monnaies d’argent de bon poids, de bel aspect, où le bronze est absent, présente les caractéristiques d’un dépôt volontairement constitué.

De plus, les degrés d’usure assez faibles de certaines séries sont également des indices qui plaident en la faveur d’un dépôt.

Ce qui paraissait inexpliqué, dans le cas de monnaies ayant circulé jusqu’en 52 av. J.-C, trouve sa cohérence dans cette interprétation.

L’hypothèse la plus vraisemblable est donc que nous soyons en présence d’un dépôt privé composé en partie d’un premier dépôt rassemblé dans les années 80 av. J.-C.

Les monnaies appartenant à ce premier dépôt auraient donc été « gelées » pendant quelques décennies, ce qui expliquerait leurs faibles degrés d’usure pour une circulation jusqu’en 52 av. J.-C.

Il est surprenant que les inventaires de fouilles de V. Pernet nous indiquent que ces monnaies du fossé du pseudo-camp D n’ont pas été découvertes groupées en un seul point.

 

De manière logique L. Popovitch penche pour un dépôt monétaire, en effet de manière surprenante et contrairement aux monnaies celtiques, les monnaies romaines sont peu usées.

 

De fait, si on excepte les premières émissions entre 211 et 150  av. J.-C. qui présentent une usure plus importante, les émissions des années entre 149 et 110  av. J.-C. ne sont pas plus usées, par exemple, que les émissions de 79 à 70 ou de 59 à 54 av. J.-C.

 

Il s’agit donc et de toute évidence de monnaies ayant peu circulé, l’exact opposé des monnaies Arvernes qui, on l’a vu, sont excessivement usées par leur circulation.

 

Comment ces corpus monétaires si différents ont-ils pu se retrouver au même endroit, et surtout faire partie du même événement ?

 

En l’état, il est donc clair que si le corpus monétaire Arverne semble de toute évidence ne pas appartenir à un hypothétique événement qui aurait eu lieu à la moitié du premier siècle av. J.-C. le corpus romain est lui, encore plus mystérieux et donc totalement inexploitable dans l’optique du siège Alisien.

 

On peut aussi remarquer dans cet ensemble de faits complexes, que le terminus de 54  av. J.-C. s’avère finalement assez étonnant.

Les récoltes de monnaies romaines en prospections et en fouilles modernes, si elles ont livré peu de monnaies romaines, ont malgré tout fourni un petit corpus de monnaies impériales.

Comment est-il possible que malgré leur ampleur, les fouilles du XIXe siècle n’aient mis au jour aucune monnaie impériale ou aucune monnaie postérieure à 52  av. J.-C.?

 

Ce point qui renvoie au contexte inconnu de la récolte du XIXe, jette le doute sur la crédibilité même du corpus de monnaies romaines.

Cet aspect n’a pas manqué d’attirer l’attention de M.Reddé (vol 2 , p. 6,7) :

 

Le petit nombre découvert en fouilles (modernes) n'autorise aucune statistique sérieuse, mais on observera malgré tout la présence d'impériales dans les sondages menés sur les niveaux Césariens ce qui montre bien leur pollution.
A cet égard, on doit s'étonner que la collection du MAN ne comprenne pas d'impériales, et on peut se demander si elle n'a pas fait l'objet d'un tri à posteriori.

 

C'est l'évidence !

 

  

  

ANNEXE

    

Degrés d'usure des monnaies rapportés aux quantités de monnaies par décennies d'émission . 

       

    

Usure et circulation :

 

Nous avons utilisé une échelle de cinq degrés d’usure. Déterminer l’usure d’une monnaie est un exercice délicat et dépend d’une lecture subjective.On peut certes hésiter entre un degré d’usure 1 et un degré d’usure 2. En revanch , les différences entre les degrés d’usure 1-2 et 4-5 sont flagrantes.

D’après cette échelle d’indices d’usure, quatre vingt six exemplaires présentent une usure 1, trente-cinq une usure 2, onze une usure 3 et deux une usure 4 ; le degré d’usure 5 n’a été attribué à aucune monnaie.

On note déjà que 64.2 % des exemplaires n’ont subi qu’une usure très légère ou nulle et 26.1 % une usure légère.

Seules 9.7 % des monnaies ont été moyennement ou fortement usées.

(…) il est surprenant de constater que des monnaies frappées jusqu’à quatre-vingt-dix ans avant le siège d’Alésia ne sont pas davantage usées. Notamment, aucun des cinq exemplaires frappés pendant la première moitié du 2ème siècle av. J.-C. n’est très fortement usé (…).

 

       

  

LES CERAMIQUES ET LES AMPHORES

 

LA VAISSELLE CERAMIQUE ET LES AMPHORES

Par Philippe BARRAL p. 105 à 115

 

L’un des principaux éléments du faisceau d’indices qui permet de conforter l’identification du siège d’Alise avec celui de César, est l’omniprésence dans toutes les couches stratigraphiques des fossés voire même en surface, juste sous la couche de terre arable, d'éléments d’amphores Dressel 1B.

 

De manière incontestable, la présence de Dressel dans la datation des différents sites archéologiques de Gaule est un artéfact, dont l’importance en matière de chronologie de la fin de l’âge du fer a été confirmée par plusieurs travaux récents.

Mais qu’est-ce qu’une Dressel 1B ?

 

Le commerce avec l’Italie ne date évidemment pas de la guerre des Gaules, bien longtemps avant cet événement, de nombreuses routes commerciales traversaient le territoire gaulois et le commerce du vin était alors en plein essor.

 

Ce vin était transporté par amphores, dont les plus connues pour l’époque républicaine

sont les Dressel 1.

Elles sont classées en 2 grandes catégories principales, les Dressel 1A et les Dressel 1B.

La chronologie de ces importations de vin italique est parfaitement connue, grâce notamment aux nombreuses épaves de navires marchands qui reposent au fond de la méditerranée.

 

Les estampilles figurant sur les amphores et datées à l’année près, permettent de cerner assez précisément les dates d’importations des vins italiques, pour exemple, une des dernières importations connues de Dressel 1B date de 13 av. J.-C.

On identifie donc deux types principaux d’amphores vinaires italiques, les Dressel 1A et les Dressel 1B. Concernant le premier type, le flux principal d’importation est antérieur aux années 80 à 70  av. J.-C. époque où les importations de Dressel 1B commencent à prendre le relais.

 

Il existe un modèle théorique pour ces importations, valable dans les grandes lignes sur certaines portions du territoire gaulois et vérifiable dans certaines agglomérations comme Lyon.

De manière générale, on constate que les importations de Dressel 1B débutent en Gaule vers 80 av. J.-C. pour atteindre un pic d’importation vers le milieu du 1er siècle av. J.-C.

Après 50  av. J.-C. elles commencent à décliner pour être finalement remplacées à partir de l’époque augustéennes par des importations majoritairement venues d’Espagne.

 

Les Dressel 1B étant omniprésentes autour d’Alise, c’est donc ce modèle général qui a été appliqué au siège d’Alise et de fait, théoriquement, cette hégémonie coïncide parfaitement avec le pic d’importation des Dressel 1B qui se situe bien aux alentours de l’année 52 av. J.-C.

 

En suivant ce modèle théorique, un siège postérieur au milieu du 1er siècle  av. J.-C. devrait donc comporter moins de Dressel 1B et plus d'amphores diversifiées.

 

Des fragments d’amphore Dr.1 ont été mis au jour de façon systématique dans les fouilles extensives. Parfois ils constituent le seul matériel céramique identifiable avec l’épisode du siège.

 

La fouille des fossés (et particulièrement du camp A) et de certains segments de ligne (circonvallation de Grésigny) atteste la présence de concentrations ponctuelles de fragments d’amphores, mêlés en général à d’autres type de matériel (faune, métal, vaisselle céramique).

 

Du point de vue typologique, les différents éléments de forme recueillis apportent des indications cohérentes permettant de dresser le portrait robot d’une variante d’amphore qui, d’après tous les critères disponible , est identifiable avec la forme Dr.1B.

 

Quoiqu’il s’agisse d’un ensemble quantitativement restreint, ce qui réduit un peu son intérêt, on dispose d’un faciès typologique bien daté et limité dans le temps, dont la caractéristique principale réside dans la présence quasi-exclusive d’amphores de type Dr.1B.

Cette donnée est parfaitement cohérente avec les analyses les plus récentes concernant l’évolution des amphores Dr.1 qui ont bien mis en évidence en particulier l’importance fondamentale de la résidualité de ce type de matériel sur les sites à chronologie longue.

 

Il ressort de diverses études que l’amphore Dr.1B constitue le type massivement distribué dans la période couvrant les années –80-70 et la conquête césarienne.

En corollaire la présence d’amphores Dr.1A dans les contextes de la deuxième moitié du 1er siècle doit être interprétée prioritairement en terme de résidualité.

 

Ce modèle théorique doit-il s’appliquer à un siège et peut-il même s’appliquer partout en Gaule y compris sur des sites à occupation longue comme les oppida ?

 

Même si une réponse archéologique doit toujours être nuancée, la réponse est clairement négative.

 

Ce modèle peut-il s’appliquer au siège d’Alise ?

La réponse est là aussi négative !

 

Le commerce des vins italiques (et donc la diffusion des amphores Dr.1B) ne s’effondre pas après la conquête au profit des vins ibériques notamment.

Le modèle " idéal " précédemment cité, ne se vérifie ni à Bibracte, ni à Gondole, ni à Gergovie-Merdogne où les Dressel 1B sont toujours omniprésentes après la conquête et encore largement majoritaires à l’époque augustéenne.

 

Encore une fois l’étude des oppida Auvergnates est éclairante, dans le cas de Gergovie(fouilles récentes de 2006), on constate que les amphores Dressel 1B sont présentes à une écrasante majorité pendant toute la tène D2b (55 à 25 av. J.-C.) jusqu’à la fin du 1er siècle av. J.-C.  ce n’est qu’à partir de ce moment là qu’elles deviennent réellement minoritaires.

 

Concernant l'oppidum de Corent, la période chronologique d'occupation principale est différente puisqu'il convient de rappeler que l’occupation semble intensive jusque vers 50 av. J.-C.  pour décliner nettement par la suite

Fort logiquement le faciès amphorique comporte donc par très peu de Dressel 1B.

Une étude globale menée en 2000 sur le faciès amphorique (toutes époques confondues et en tenant compte de toutes les méthodes de ramassages), a donné des résultats très tranchés :

 

530 fragments appartiennent à la forme Dressel 1A

23 fragments appartiennent à la forme Dressel 1B soit 4 % de l’ensemble .

 

Il s’agit d’un comptage qui permet de cerner la chronologie d’occupation de l’oppidum qui se situe de toute évidence pendant toute la période d’importation des Dressel 1A soit majoritairement pendant la première moitié du 1er siècle av. J.-C.

 

 (La présence de Dressel 1B même minime, permet aussi de comprendre que l’oppidum était encore largement occupé au moment de l’importation de ces amphores soit juste avant le milieu du 1er siècle  av. J.-C.).

 

 

 

Les fouilles des années 2000 menées par M.Poux sur le sanctuaire et ses abords en tenant compte des niveaux stratigraphiques supérieurs d’occupation ont permis une récolte de Dressel 1B nettement plus importante.

Cette donnée corrobore l'arrivée massive des amphores Dressel 1B peu avant le milieu du 1er siècle av. J.-C.

Toutefois, faut-il en conclure que dès lors, les Dressel 1A auraient complétement disparu dans les dernières années précédant le milieu du 1er siècle av. J.-C.?

L'étude ne le prècise pas, mais la présence, de toute évidence encore très importante, de ces amphores dans les niveaux supérieurs des fouilles permet évidemment d'en douter.

 

Concernant Gergovie (Roche blanche) et le point effectué par Loughton en 2000, on constate à cet endroit du site que les Dressel 1A sont en proportion significative alors même que le site est supposé n'être occupé de manière importante qu'à partir du milieu du 1er siècle av. J.-C.

Cette forte proportion de Dressel 1A sur un site occupé très majoritairement après la conquête doit évidemment s'apprécier en terme de résidualité, mais l'importance du faciès implique que l'utuilisation de ces amphores perdure encore au milieu du 1er siècle av. J.-C.

 

De ces observations, il résulte qu’il ne faut pas confondre l’analyse qui porte sur la quantité d’amphores importées à un moment « x » et celle qui permet de cerner chronologiquement la période d’utilisation de ces amphores ; il convient évidemment de prendre en compte le facteur très important de résidualité - présence intrusive dans des niveaux chronologiquement postérieurs - mais pas seulement ; en effet, l’arrivée de nouveaux types d’amphores ne signifie pas que les anciens disparaissent immédiatement (qu’il s’agisse d'importations encore en cours ou de réutilisations), le type précédent peut perdurer encore majoritairement pendant des dizaines d’années comme c'est le cas par exemple à Gergovie-Merdogne.

Et il faut naturellement tenir compte des spécificités régionales voire micro-régionales.

 

Cet ensemble de faits rapportés au site d’Alise permet d’affirmer qu’un siège qui présente la particularité de présenter un faciès amphorique composé quasi-exclusivement de Dressel 1B ne peut être chronologiquement rapproché du milieu du 1er siècle av. J.-C.

 

Un siège qui aurait eu lieu en 52 av. J.-C. dans le nord-est de la France comporterait de toute évidence une proportion d’amphores Dressel 1A importante.

Ce n’est pas le cas, puisque nous n’avons pas (ou de manière très anecdotique) autour d’Alise de Dressel 1A, il est donc permis de considérer que le siège d’Alise est largement postérieur au milieu du 1er siècle.

Cette absence (ou quasi-absence) sur les travaux d'investissement romains permet même de considérer que la période du siège doit s’approcher de l’époque augustéenne.

 

Peut-on éventuellement considérer que l’armée de César aurait exclusivement transporté et utilisé des amphores Dressel 1B ?

 

L’hypothèse doit être rejetée catégoriquement, s'il est fort possible que les contingents provenant de la province ou d’Italie aient amené avec eux des Dr 1B ou que l’armée ait été régulièrement approvisionnée d’amphores en provenance d’Italie ; il faut se rappeler que les armées de César étaient cantonnées à l’année en Gaule et devaient être tributaires en grande partie de ravitaillements locaux.

Et il faut se souvenir aussi que durant toute l’année 52 av. J.-C., César, isolé en gaule n’a pu avoir réellement de ravitaillement externe et que de surcroît tous les chemins étaient coupés avec la province dès la fin du printemps 52 av. J.-C.

 

Dans le cas du siège d’Alise, qu’il s’agisse de l’armée de César ou de toute autre  , l’approvisionnement local est de toute façon parfaitement confirmé par Ph. Barral suivant en cela l’analyse des fragments de céramiques liés au siège :

 

Cet approvisionnement essentiellement local ne saurait nous surprendre, dans un contexte d’armée en campagne.

 

(…) la céramique du siège ne présente pas de caractères particulièrement originaux liés au contexte militaire et de surcroît elle ressortit presque exclusivement à des productions locales indigènes qui s’inscrivent dans une tendance chronologique au mieux réductible au demi-siècle, plus souvent identifiable avec la période la Tène finale-Auguste, sans plus de précision.

 

Seul le remplissage inférieur initial des structures présente une bonne homogénéité, comme l’attestent les quelques dépôts mobiliers un peu conséquents mis au jour (comblement inférieur du fossé de circonvallation dans la plaine de Grésigny -chantier XXVI- et comblement inférieur du fossé 4 du camp A, porte sud –chantier XIVII-).

Ces dépôts détritiques se sont mis en place au moment du siège ou juste après et peuvent être considérés comme des ensemble relativement clos.

 

Remblai de structures de fondations (trous de tours , tranchées de pièges...) césarienne.

Le matériel, peu fréquent et isolé, contenu dans ces structures remblayées au moment du siège présente une bonne fiabilité.

 

Sur les amphores Dressel 1 en particulier et en relation stratigraphique avec le siège :

 

(Ce groupe) se compose essentiellement de fragments mis au jour dans les remblais des fossés, et de moindre manière des fosses, sur les montagnes de Bussy et de Flavigny.

Le seul ensemble à proprement parler, bien que réduit, provient du comblement inférieur du fossé 4 du camp A (chantier XLVII, US 840f).

Dans ce groupe figurent également tous les éléments de forme d’amphores Dr.1.

Ils sont issus en majorité des fossés du camp A.

Un seul fragment provient d’une structure de la plaine de Grésigny (calage de trou de poteau, chantier XXVI, et fond du fossé de circonvallation du chantier XXVI, plusieurs fragments assez conséquents d’amphore Dr.1).

 

Un jugement théorique suivi d’un examen global du faciès amphorique et céramique lié au siège, permet d’en situer la date vers la toute fin de la Tène D2b, qu’en est-il maintenant de l’analyse, pièce par pièce des éléments issus du fond des fossés, en relation stratigraphique la plus directe possible avec l’événement ?

 

 

Plaine de Grésigny :

 

Calage de trou de poteau :

 

Bord complet d’amphore Dressel 1 (B) avec trace d’estampille illisible dans cartouche rectangulaire.

 

Montagne de Flavigny :

 

Camp A, chantier XLVII, porte sud, comblement inférieur du fossé 4 :

 

Assiette, imitation de la forme de campanienne Lamb 5.

 

Profil complet d’une coupe carénée, inspiration lointaine de la forme de campanienne A Lamb 28.

(Cette forme, en céramique indigène, trouve des parallèles plus directs chez les Ségusiaves que dans la région immédiate.

A Roanne, il s’agit clairement d’un type de la Tène D2 qui perdure jusqu’au début de l’époque augustéenne.

Un exemplaire dans une tombe de la nécropole de la croix du Rebout au mont Beuvray, la Tène D2-Auguste,)

 

Fragment de panse et bord d’un bol hémisphérique , cette forme est représentative des contextes la Tène D2-Auguste des sites de l’Auxois.

 

Panse presque complète d’amphore type Dressel 1 (B).

 

Eléments non identifiés avec précision :

 

Fragment de bord de pot, céramique tournée, pâte mi-fine/fine à dégraissant siliceux (mica abondant).

 

Fragment de fond de gobelet ou tonnelet, céramique tournée, pâte fine à dégraissant siliceux (mica).

 

Profil presque complet d’un petit pot ovoïde, céramique modelée finie à la tournette, pâte grossière/mi-fine à dégraissant siliceux (dont mica).

 

 

On peut constater que la liste présentée ici est réduite, celle établie par Ph.Barral est nettement plus conséquente, mais elle est issue de contextes de fouilles hétérogènes, comblements supérieurs notamment.

Cette liste dont les éléments peuvent avoir ou pas appartenu au siège, semble dégager une période qui couvre la Tène D2-Auguste, et la présence presque systématique de fragments d’amphores Dressel 1 B la conforte ; maisune majorité d’éléments ne semblent pas avoir été identifiés avec précision(pas de type, pas de chronologie), a contrario les éléments extraits ci-dessus sont tous issus de contextes sûrs et sont pour certains identifiés.

 

L’imitation de Lamb 5 est fréquente en contextes liés à la Tène finale et augustéens, son large spectre chronologique de diffusion ne permet pas d’affiner la chronologie liée au siège.

 

  

Par contre le dérivé de campanienne A, Lamb 28 pourrait permettre de mieux cerner la chronologie du siège d’Alise.

En effet, dans la région, les dérivés de campanienne A de ce type semblent très peu représentés, les parallèles les plus directs paraissent plus particuliérement concerner La Tène D2b et l'époque augustéenne

 

La forme identifiable au type Lamb.A.28ab, retrouvée dans le fossé du camp A, ne semble pas trouver de parallèles dans la région immédiate, ce qui en complique la datation exacte.

Toutefois en terme de chronologie, nous sommes plutôt sur une datation basse puisqu'il s'agit bien d'un type qui couvre La Tène D2 et l'époque augustéenne.

 

( !) Annotation et uniquement pour information : Dans la région la forme identifiable au type Lamb.A.28c (non présente dans les fossés) semble inconnue avant 50 av. J.-C,

Elle est plus particulièrement présente à l’époque augustéenne jusqu’au changement d’ère.

Cette forme bien représentée en Provence comme dans le Languedoc, est datée dans les stratigraphies de Lattes ainsi que dans certains contextes des Alpilles de la seconde moitié du 1er siècle av. J.-C.

 

 

Ajoutons à cela un fragment de bol dont la datation peut appartenir aussi bien la Tène D2 qu’à l’époque augustéenne.

 

Le facies céramique confirme donc une datation basse, orientation déjà envisageable du fait de l’absolue prépondérance des Dressel 1B ,

 

Il ne faudrait pas pour autant se laisser abuser par les éléments appartenant aussi bien à la Tène D2b qu’à l’époque augustéenne, en l’état actuel on constate – toujours dans le contexte sûr des fonds de fossés - et malgré une série modeste, l’absence totale de marqueurs liés à cette dernière époque (absence d amphores diversifiées Italiques ou Espagnoles type Bétique ou Tarraconaise, de sigillée italique, de terra nigra, de gobelets d’Aco…), il y a donc à Alise un terminus  très net que l’on peut situer vers les années 30/20 av. J.-C.

Le siège ne peut donc avoir eu lieu après 20 av. J.-C, cette dernière indication ne semble pas pouvoir être remise en cause.

 

CONCLUSION :

  

En définitive, on constate une parfaite cohérence entre les faciès chronologiques des amphores et des céramiques.

Ces faciès renvoient tous à une époque que l’on peut situer à la fin de la Tène D2b, soit entre 40 et 30 av. J.-C.

L’inexistence de la forme Dressel 1A exclut toute datation antérieure au milieu du 1er siècle av. J.-C., cette datation est confirmée par la présence de céramiques dont l’utilisation semble plutôt correspondre à un spectre chronologique centré sur la Tène D2b et l’époque augustéenne.

A contrario les faciès amphoriques excluent toute datation postérieure au début de l’époque augustéenne.

 

La juxtaposition de ces éléments avec la numismatique permet un premier constat, l’usure des pièces Arvernes et la présence de monnaies en orichalque retrouvées à Alise renvoyait en théorie, quelques dizaines d’années après la date de 52 av. J.-C., cette chronologie se trouve donc pleinement confirmée sur le terrain par le matériel céramique et amphorique.

La confrontation avec les fibules extraites des fossés devrait logiquement confirmer cette tendance.

 

 

Annexe :

 

L’oppidum d’Alise semble avoir été occupé de manière permanente à partir de 80-70  av. J.-C. ce fait ne fait pas débat, seule l’importance de l’occupation reste sujette à caution.

Il a donc été retrouvé dans les niveaux précoces liés à la Tène D2 une proportion significative d’amphores Dressel 1A, cet élément confirme une occupation de l’oppidum au plus tard dans le deuxième quart du 1er siècle av. J.-C.

La forte présence d’amphores Dressel 1A sur l’oppidum d’Alise confirme aussi de facto qu’un siège ayant eu lieu avant le milieu du 1er siècle av. J.-C. aurait dû aussi comporter une proportion importante de ces mêmes amphores.

 

 

 

LES FIBULES

 

    FOURNIMENT, HARNACHEMENT, QUINCAILLERIE, OBJETS DIVERS

Par V. BROUQUIER.REDDE et A. DEYBER p. 293 à (fibules) 300.

    

  

Avant d'entreprendre l'étude des fibules extraites des fossés, il convient de s'intéresser au type éponyme.

De nombreuses fibules issues des fossés au XIXe siècle ont tout naturellement pris le nom Alésia, il s'agit d'un type « à charnière » , une innovation technologique tardive qui semble ne concerner de prime abord que les parures à usage militaire.

 

Bien évidemment, et comme pour le reste des découvertes du XIXe siècle, les contextes des trouvailles ne sont pas connus, l'analyse du type Alésia ne devrait donc pas faire l'objet ici, de développements, puisqu'ils ne devraient concerner que les fibules extraites des fonds de fossés.

Toutefois, du fait du caractère essentiellement militaire de ce type de parure, il paraît vraisemblable qu'elles aient été liées en majorité au siège qui a concerné Alise, il semble donc pertinent de s'intéresser à leur chronologie.

 

Les fibules de type « à charnière » apparaissent pendant le règne d'Auguste et vont connaître un long développement pendant la période gallo-romaine, l'un des tout premiers modèle ,

de type " Aucissa ", commence à faire son apparition vers -20 av. J.-C.

Il est très probable que le type Alésia soit un précurseur du modèle Aucissa ; le modèle « à charnière » serait donc apparu dans le sillage des armées romaines qui vont intervenir en Gaule au premier siècle av. J.-C., la présence de nombreuses fibules à charnières sur les camps augustéens du limes rhénan accrédite cette hypothèse.

 

Toutefois cette innovation technologique importante ne semble pas véritablement antérieure au règne d'Auguste et en tout état de cause elle est inconnue avant le milieu du 1er siècle av. J.-C. ; le fait qu'elle soit présente à Alise, dans un contexte militaire romain est logique, le fait que sa date d'apparition ait été avancée d'une bonne vingtaine d'années pour coller à la chronologie de la guerre des Gaules peut par contre sembler irrationnel ou malhonnête.

Il convient toutefois de nuancer cette position, il est fréquent qu'à chaque nouvelle découverte archéologique, une remise à jour des datations soit effectuée, cela n'a rien de choquant et reste cohérent dans l'optique de la position officielle sur le siège d'Alise.

 

Il faut cependant remarquer qu'à priori, en Gaule, seul le siège alisien permet une révision à la hausse de la chronologie de ce type de fibules, alors même que cette proposition de datation devrait être parfaitement corrélée avec d'autres découvertes.

Pourtant, Il ne semble pas que cela soit le cas, puisque l'arrivée des fibules à charnières en Europe paraît majoritairement liée à l'horizon augustéen.

 

 

Cette parenthèse effectuée sur le contexte des découvertes de fibules à charnières à Alise, il convient de revenir sur les dernières fouilles et sur les conclusions à tirer concernant les fibules extraites des fonds de fossés.

A l'image du reste du matériel, la récolte est maigre, si maigre qu'il n'existe en fait qu'une seule fibule issue d'un contexte parfaitement fiable :

 

Il s'agit d'une fibule à charnière, arc à bord non rectiligne, à décor incisé, porte ardillon plein.Type Feugère 21b1.

Cette fibule a été retrouvée dans le remplissage inférieur cendreux du fossé 4 du camp A (US 840f).

 

Pour M. Feugère, ce type ne se retrouve qu'en contexte augustéen, soit à partir de 25 av. J.-C.

 

Au Titelberg, ce type est daté vers 30 av. J.-C. (Metzler 1995). Cette découverte dans la couche inférieure de destruction du rempart permet de situer le contexte très proche de la date du siège.

 

Il faut remarquer que si la classification des principales typologies par M.Feugère (1985) reste la référence en matière de fibules, en matière de datation, les travaux de J.Metzler font maintenant autorité.

 

CONCLUSION :

 

La fibule retrouvée au fond du fossé du camp A, présente donc un contexte et une datation fiable, et cette datation s'inscrit, comme pour la plupart des premières fibules à charnières, sur un horizon au mieux pré-augustéen.

Cette fibule parfaitement corrélée chronologiquement avec l'usure des monnaies arvernes, les monnaies en orichalque, et la datation des céramiques et des amphores, permet de préciser nettement la période du siège alisien.

Ce siège, sauf nouvelles découvertes contradictoires issues de contextes sûrs, se situe très certainement vers la fin de la Tène D2b, entre 40 av. J.-C. au mieux et 30 av. J.-C.

  

  

 

 

CONCLUSION FINALE

 

 

L'intégralité des observations qui précédent proviennent du rapport de fouilles 91/97 ou d'études chronologiquement en rapport, les éléments qui les composent ne peuvent être contestés, seules les conclusions délivrées ici peuvent être discutées.

 

Ces observations qui conduisent à s'intéresser à une amplitude chronologique plus large que la stricte datation présumée de 52  av. J.-C. sont évidemment et en l'état, provisoires et tributaires des recherches archéologiques en cours.

 

SITUATION DU SIEGE ET DE L'OPPIDUM D'ALISE d'après les éléments issus des réflexions précédentes.

 

De prime abord, l'oppidum d'Alise ne se distingue pas d'autres sites ayant livré des traces d'activité artisanale liés à la métallurgie du bronze ou au travail du fer, tant il est vrai que type d'activité se trouve aussi sur des sites d'importance plus secondaire et même ruraux.

Pourquoi la petite agglomération d'Alisia a-t-elle perduré sur un site de hauteur pendant toute l'époque gallo-romaine et sans réelle rupture d'occupation, alors qu'à l'instar de la plupart des oppida, l'urbs aurait pu descendre dans la plaine ?

L'oppidum a sans doute servi d'abord de refuge plus ou moins temporaire grâce à son caractère isolé et ses pentes rudes, puis il semble qu'au début de la Tène D2a (80 av. J.-C,) l'occupation se soit faite plus sédentaire.

Il a dû s'agir d'une occupation limitée malgré la superficie relativement importante de l'oppidum, l'un des plus grands de Gaule (1) ; en effet sur la colline sommitale les sources étaient rares ou non potables (2), suffisantes pour une petite communauté de bronziers, mais pas pour une agglomération gauloise importante type Bibracte.

 

Toutefois, outre sa situation géographique privilégiée, non loin d'axes commerciaux importants ; il paraît évident qu'Alise a bénéficié d'un atout qui a facilité un certain rayonnement, cet atout fut-il un préalable à l'établissement d'une communauté ou s'est-il développé par la suite ?

Les recherches en cours devraient apporter quelques éléments de réponse sur le sujet, mais il semble maintenant avéré que le secteur de la Croix-Saint-Charles était déjà occupé dès le milieu du IIème siècle av. J.-C. avec la découverte de sources curatives.

Cette situation va probablement entraîner assez rapidement une certaine notoriété et la construction d'un sanctuaire dédié à Apollon Moritasgus qui se développera largement pendant la période gallo-romaine (2).

Ce sanctuaire étant situé sur l'oppidum, cela explique logiquement le maintien de la communauté sur un site de hauteur.

 

Au moment de la guerre des Gaules, la petite communauté est en plein essor ; pour protéger l'oppidum elle semble avoir construit un murus gallicus à chaque point faible de l'oppidum,

c'est à dire aux deux endroits où la falaise s'efface pour laisser passer la route antique suivant un axe nord-ouest, sud-est.

L'un des murus est avéré, l'autre est seulement supposé.

 

César est-il passé par l'oppidum d'Alise, à un moment ou l'autre de la guerre des Gaules ?

Difficile à dire, mais la position géographique d'Alise-Ste-reine rend l'hypothèse probable.

 

L'oppidum au carrefour de plusieurs grands peuples (Sénons, Éduens, Lingons et Séquanes) , et sur une voie sud-nord, a dû difficilement échapper aux déplacements de Jules César, l'a-t-il assiégé en 52 av. J.-C. ou à un autre moment de la guerre des gaules ?

La question est résolue sans détour depuis 150 ans par la majorité des historiens et des archéologues alors même que la réponse qui doit y être apportée est de toute évidence bien plus complexe.

Si nous avons bien affaire à un siège qui semble selon toute vraisemblance apparenté à la période républicaine tardive, soit approximativement à la Tène D2b, les indices ne plaident pas pour un siège antérieur au milieu du 1er siècle av. J.-C, récapitulons :

 

La situation géographique : ni l'axe de retraite de César, ni même la stratégie de Vercingétorix ne placent l'oppidum d'Alise sur un trajet logique.

De même, aucun site plausible pour le combat préliminaire de cavalerie entre les deux protagonistes n'a été repéré à moins de 60 km.

 

La situation topographique ; si l'oppidum d'Alise est bien environné de collines et de deux petites rivières, le reste de la topographie n'a aucun rapport avec le texte césarien : taille de la plaine, absence de colline au nord permettant une restitution cohérente de la bataille finale et surtout absence de l'important camp légionnaire sur ses pentes, taille de l'oppidum difficilement compatible avec la présence de 80000 guerriers au bas mot, de la population mandubienne et des nombreux troupeaux cités par César.

A noter, en corrélation avec ce dernier point, que la faiblesse des ressources en eau sur la colline sommitale doit être soulignée.

 

La situation monétaire de l'oppidum (la Téne D2) : l'oppidum est censé avoir abrité des milliers de combattants Arvernes et un atelier monétaire qui aurait frappé sur place des "bronzes" au même type que des statères d'or (par manque de métal précieux).

Comment est-il possible alors qu'il n'y ait pas de monnaies Arvernes sur l'oppidum ?

Sous le temple gallo-romain par exemple, un abondant mobilier de la Tène D2 a été recueilli , dont de nombreuses monnaies Séquanes, Lingonnes et Eduennes, il paraît donc étonnant qu'il n'y figure aucune monnaie Arverne ; d'autre part cela confirme l'hypothèse selon laquelle le corpus retrouvé à Alise serait essentiellement lié à une circulation monétaire régionale et commerciale.

 

Les lignes et systèmes de défense : si nous avons bien à Alise une contrevallation et une circonvallation, qui prouvent qu'il s'agit bien d'un siège (romain) et que l'on s'attendait éventuellement à une attaque extérieure, on constate que le fossé de circonvallation de la plaine de Grésigny (au nord) n'a pas subi d'attaque alors même que dans le cas d'Alésia, ce secteur aurait dû subir l'assaut le plus important du siège.

La quasi-totalité des fossés n'ont rien a voir avec le texte césarien, ni en forme, ni en taille, ni en nombre... et à ce sujet, certains secteurs sur les plateaux présentent des fossés d'une profondeur ridicule (25 à 50 cm), l'efficacité défensive est donc nulle ce qui paraît étonnant dans le cadre d'une confrontation de cette ampleur.

Les distances entre tours n'ont que peu de rapport avec les données césariennes y compris dans la plaine des Laumes à l'endroit exact du gabarit césarien.

Les systèmes de défenses (Cippi ? Trous de loup) n'ont que peu de rapport avec le texte, de plus ils sont constitués de branchages très légers, ce qui là encore les placent en porte à faux avec l'impressionnant dispositif décrit par César.

Ce dernier point est certainement à mettre en rapport avec le manque de bois attesté pour l'époque sur la région d'Alise (3).

Nous avons donc bien affaire à un siège relativement important mais bien en deçà de celui décrit par César puisqu'il manque à peu près 5 km de lignes tant sur la contrevallation que sur la circonvallation.

 

L'amplitude des travaux de siège autour d'Alise ne doit donc pas faire illusion, les lignes sont nettement moins longues que celles décrites par César, les pièges sont constitués de boisements assez légers et on peut noter, dans la plaine, le caractère très hétérogène de tous les aménagements défensifs, là encore, loin de la description du De Bello.

En extrapolant les observations issues de l'étude des pièges et des quelques traces laissées au sol par certains aménagements défensifs, on peut supposer que les palissades des camps et lignes étaient aussi constitués de boisements relativement légers, cela relativise d'autant la portée des travaux de siège.

Seules les tours semblent avoir nécessité un apport en bois important (3) quoique la taille des pièces de bois déduites des emplacements laissés libres n'impliquent pas d'arbres de fort calibre.

 

En définitive, l'ensemble des aménagements défensifs en bois, qui sont très loin d'égaler ceux décrits par César, paraissent donc logiques dans une région où la couverture boisée était faible.

 

 

Les camps : Les dernières fouilles ont permis de préciser nettement l'organisation et le nombre des camps : les camps extérieurs, dans la plaine, ont été invalidés ainsi que le pseudo-camp D sous le Réa.

Il reste donc à Alise 3 camps d'ampleur relative sur les hauteurs :

le camp B = 7.3 ha, le camp C = 6.9 ha et le camp A = 2.3 ha.

Quant aux castella ils sont au nombre de 4 si on y ajoute le fortin de l'épineuse découvert dans la plaine des Laumes :

Castellum 15 = 0.5 ha, castellum 18 = 0.7 ha, castellum 11 = 0.9 ha

et fortin de l'épineuse = 1.4 ha.

Il est fort probable qu'il faille rajouter à ce nombre au moins un castellum qui a dû exister sur le mont Réa et un autre sur le Pennevelle.

En l'état, il paraît peu crédible qu'il puisse exister d'autres camps, et la topographie de l'endroit laisse aussi peu de place pour d'autres castella.

 

Le nombre d'hommes composant une légion sous la république n'est pas connu avec certitude, sans doute entre 4000 et 5000 hommes (4). Les légions de César ayant subi des pertes récentes à Gergovie, chez les Parisii ainsi que lors de toute l'année 52 av. J.-C., il est probable qu'elles devaient plutôt avoisiner en moyenne les 3500 hommes, chiffre en tout cas rationnel pour appréhender le problème des effectifs à Alésia.

A cela il faut rajouter les auxiliaires d'origines diverses et aussi les cavaliers germains, plus tous les accompagnants dans la mesure où César faisait retraite avec l'ensemble de son armée (une dizaine de légions minimum, probablement onze, certaines sources vont jusqu'à douze).

Nous avons donc à Alésia une armée composée d'au minimum 50000 hommes : à Alise les deux camps les plus importants pouvaient peut-être et de justesse contenir chacun une légion, les divers castella connus plus le camp A, l'équivalent d'une autre, et éventuellement dans ceux restant à découvrir, il est sans doute possible et sous réserve, d'en rajouter une autre .

En tout état de cause, et en l'état actuel des données, il semble impossible que le siège d'Alise ait mis en jeu plus de cinq légions au grand maximum,

soit l'équivalent de 20000 hommes en comptant large, même pas la moitié de l'armée césarienne, ce fait paraît non négociable en l'état actuel du dossier alisien.

 

Les Armes : les armes celtiques retrouvées sur place semblent appartenir aussi bien à la Tène D1 qu'à la Tène D2, le spectre chronologique trop vaste ne peut donc être valablement utilisé dans la datation du siège, quant aux armes romaines elles sont pour partie liées à l'époque républicaine et à l'époque augustéenne, là encore il est difficile de proposer une datation.

Sur ce dernier point il paraît vraisemblable que les lacunes qui subsistent dans l'étude de l'armement romain à Alise et qui ne trouvent pas de parallèles dans l'armement républicain seraient utilement complétées par l'étude des armes romaines des camps augustéens du limes rhénan.

Certains points de concordance ne seraient pas dus au hasard si on prend en considération le fait que le siège d'Alise se situe vraisemblablement sur un horizon pré-augustéen.

 

Les artéfacts : l'absence quasi totale d'amphores Dressel 1A sur l'ensemble des travaux de siège permet d'exclure une datation sur une large première moitié du 1er siècle av. J.-C.

L'usure avancée des pièces Arvernes frappées en 52 av. J.-C, (si on accepte de les inclure dans l'étude du siège malgré le contexte aléatoire de leur récolte), permet d'affirmer que ces pièces ont circulé plusieurs années après cette date d'émission.

La présence de monnaies en orichalque, dont il n'existe aucune trace en Gaule avant les trois dernières décennies du 1er siècle av. J.-C. exclut pour l'instant très clairement toute datation dans la première moitié de ce siècle.

Le faciès de la fibule trouvée en fouille moderne et en contexte sûr, comparé aux datations issues du corpus très important découvert au Titelberg, permet d'envisager une datation autour des années 30 av. J.-C.

L'ensemble de ces datations ne s'inscrivent donc pas dans un contexte chronologique lié à la guerre des Gaules, mais très clairement dans un contexte pré-augustéen.

 

L'examen de toutes les données permet donc de dresser un constat finalement bien moins aléatoire que celui qui consiste à identifier laborieusement le siège d'Alise avec celui d'Alésia.

 

Après la guerre des Gaules et contrairement à ce que peut laisser supposer une lecture superficielle de l'ouvrage de Jules César et surtout le livre VIII complété par Hirtius, le territoire conquis est loin d'être pacifié, les troubles vont perdurer pendant une bonne trentaine d'années (5), jusqu'à ce que l'empereur Auguste finisse par apaiser les rebellions gauloises. 

Il n'existe aucun catalogue exhaustif de l'ensemble des opérations militaires ayant pu avoir lieu durant les 20 ou 30 ans qui ont suivi la guerre des Gaules, pour autant l'absence de mention de tel ou tel siège par les auteurs antiques ne saurait signifier qu'il n'a pas existé.

L'opération militaire à Alise ne semble pas avoir été conduite par une armée composée de plus de 4 ou 5 légions, en l'état du dossier cette donnée ne paraît pas devoir être remise en question (sauf à découvrir d'autres camps importants à Alise ce qui semble plus qu'aléatoire) ; dans ce cas de figure, il paraît donc impossible que nous ayons affaire à l'importante armée de César puisque nous sommes bien en deçà des estimations les plus basses concernant la taille de cet agmen en retraite.

 

 

  ANNEXES

 

(1) rapporté à la taille moyenne des oppida, mais il existe de nombreux oppidums plus importants :

 

Exemples en France (liste non exhaustive) :

 

BESANCON = 120 ha

CHARTRES =  170 ha ?

FOSSE DES PANDOURS = 170 ha

GOURNAY SUR ARONDE = 100 ha

MIRAMONT = 100 ha

MONT-BEUVRAY = 200 ha

PONS = 100 ha

SAINT-DESIR = 200 ha

SAINT-SAMSON DE LA ROQUE = 95 ha

SANDOUVILLE = 150 ha

VARISCOURT = 170 ha

VILLENEUVE-ST-GERMAIN = 100 ha (révision 2011)

VILLEJOUBERT = 120 ha

MOULAY = 135 ha

 

Exemples en Europe :

 

HENGISBURY 300 ha
ALTENBURG- RHEINAU 316 ha
MANCHING 380 ha
KELHEIM 650 ha
HEIDENGRABEN 1600 ha

 

(2) Voir à ce sujet sur ce site, l'annexe : Etymon Alis

 

(3) L'environnement du site d'Alésia p. 56 à 101 par Christophe Petit :

 

Dans le chatillonais, au pied de Vertillum... assez semblable à celui d'Alésia, les données palynologiques montrent un déboisement important dès l'âge du fer.
... dès lors ces analyses doivent être prises avec une grande prudence. Elles montrent que le paysage est ouvert : le pourcentage de N.A.P (tout ce qui n'est pas arbre)... indique une forêt fortement réduite.
... pas de forêt-galerie marécageuse dont nous n'avons aucun argument sédimentologique par ailleurs.

Plateau de Flavigny :


Les pollens d'herbacées permettent de restituer un paysage de cultures, de céréales...
La forêt est extrêmement réduite et les véritables espaces forestiers devaient être très éloignés du site (plusieurs km ?) ; il ne devait subsister localement que de rares bosquets
.

L'abondance de prunelliers, des orties ou du robinier sont des indices palynologiques de forêts altérées, mal ou surexploitées.
Les massifs forestiers étaient quasi absents ou à l'écart.

 

Le déboisement lié aux travaux césariens p. 99 à 101 :

 

Les poteaux des tours (fantômes)... présentent des diamètres moyens de 20 cm (variable de 15 à 30 cm).

La construction d'une tour a nécessité au minimum quatre arbres d'un diamètre moyen de 20 cm.

Pour l'ensemble des lignes césariennes, le nombre de tours reste incertain car l'espacement n'est pas régulier...

On peut vraisemblablement admettre en fonction des données archéologiques plus de 1500 tours...

Il faut donc penser que plus de 6000 arbres ont été abattus pendant l'été -52 pour la seule construction des tours... Il faut envisager un déboisement de l'ordre de 60 ha.

 

(4) Selon les sources admises, depuis la réforme de Marius ( -108 ) la légion de 10 cohortes comporte 6000 hommes, il faudrait donc en théorie se baser sur ce chiffre, toutefois le nombre d'homme pour une légion reste mal connu à l'époque républicaine, le chiffre moyen de 5000 hommes est donc souvent avancé, mais après 6 ans en Gaule et malgré l'apport régulier de troupes fraîches, il est probable que l'effectif légionnaire était réduit. Les historiens admettent aussi que le train de l'armée de César (serviteurs, auxiliaires gaulois et germains, ...), pouvait représenter le double des effectifs légionnaires. Le chiffre de 50000 hommes est une hypothèse basse, l'armée de César pouvait donc avoisiner les 80000 hommes, soit pas loin de quatre fois plus que la capacité d'accueil des camps alisiens, déjà surestimée dans la présente étude !

 

(5) Voir sur le sujet l'Histoire romaine par Dion Cassius, et par exemple les livres LI, LIII et LIV qui indiquent que les troubles postérieurs à la conquête vont perdurer jusqu'au règne d'Auguste :

 

LI (20) En effet, il y avait encore en armes les Trévires qui avaient entraîné les Celtes dans leur mouvement, les Cantabres*, les Vaccéens* et les Astures* (* NB : Espagne) ; les uns furent soumis par Taurus Statilius, les autres par Gallus Nonius : néanmoins des troubles fréquents éclataient successivement chez chacun de ces peuples.

 

LI (21) César, le premier jour, fêta ses victoires sur les Pannoniens et les Dalmates, sur la Iapydie et les peuplades voisines, sur des peuplades celtes et gauloises. C. Carinas, en effet, dompta les Morins et quelques autres qui avaient pris part à leur soulèvement, et repoussa les Suèves qui avaient passé le Rhin à main armée : ces exploits lui valurent le triomphe.

 

LIII (22) Voilà ce que fit alors Auguste ; de plus, il partit comme pour aller faire une expédition en Bretagne, mais, arrivé en Gaule, il s'y arrêta, parce que les Bretons avaient cru devoir lui envoyer des parlementaires, et que les affaires de la Gaule étaient encore en désordre à cause des guerres civiles qui en avaient immédiatement suivi la conquête.

 

LIV (11) Voilà ce que fit alors Auguste ; de plus, un édile se démit volontairement de sa charge pour cause d'indigence. Envoyé de Sicile à Rome, Agrippa, après avoir mis ordre aux affaires urgentes, fut placé à la tête des Gaules, attendu que ces peuples étaient en proie à des séditions intestines et harcelés par les Celtes. Ces mouvements apaisés...

 

LIV (19) Après cela, il partit pour la Gaule, sous le consulat de L. Domitius et de P. Scipion, prétextant les guerres qui s'y étaient élevées.

 

 

Ou Alain Deyber, les gaulois en guerre, et notamment p. 89 à 92.

 

 

…l’année – 12, correspond bien à la fin de la période de la Téne d2b. En effet celle-ci a coïncidé avec la fin de l’agitation armée en Gaule…

 

La période postérieure à –50 présente de fortes similitudes avec les faits antérieurs…

 

César à peine parti pour Rome, l’hostilité des gaulois se réveilla dès – 49.

 

(…)

 

En –38 éclata une révolte consécutive au voyage entrepris l’année précédente par Octave en Gaule pour renforcer l’emprise administrative de Rome, ce qui motiva l’intervention d’Agrippa dont on sait qu’il battit les Aquitains, mais aussi qu’il fut amené à franchir le Rhin.

Cette affaire, comme une onde de choc, généra des rebellions plutôt limitées que générales , qui se poursuivirent de manière intermittente jusqu’à l’époque Flavienne.

Jusqu’en – 12 les deux principaux facteurs qui sont à l’origine de ces soulèvements sont le renforcement de la mainmise administrative du conquérant sur la Gaule avec son corollaire d’exactions financières et d’abus en tous genres, ainsi que l’existence d’une frontière relativement perméable au travers de laquelle les insurgés reçoivent une aide de leurs voisins germains.

Ceci expliquerait peut-être pourquoi Agrippa fut obligé de traverser le Rhin pour réprimer les tribus germaniques qui avaient aidé des rebelles gaulois. Cette affaire fut suffisamment importante pour valoir à Agrippa un triomphe. Mais cela ne suffit pas et en –31/-28, les Trévires se révoltèrent, bénéficiant de l’aide des Germains trans-rhénans ; l’entreprise fit long feu et ils furent battus par Nonus Gallus.

La même année, les Morins et d’autres tribus (?) se soulevèrent, impliquant des Suèves dans l’affaire qui furent victorieusement repoussés au-delà du Rhin tandis que les Morins et leurs alliés étaient écrasés par le même Nonus Gallus.

Il existe certainement une relation entre ces deux événements, mais on ne sait pas si les Morins appelèrent les Suèves à la rescousse ou si ce sont les Suèves qui tirèrent simplement profit de la situation confuse pour faire, selon leurs habitudes, une razzia et du butin.

Comme dix ans plus tôt, ce fut une action militaire d’importance considérable car elle valut à Auguste un triomphe avec Carrinas qui fut célébré avec celui d’Actium.

 

(…)

 

L’agitation persista en Gaule en –27 avec la levée du cens.

Auguste dut renoncer à une expédition en Bretagne insulaire, par suite des menaces dans semble-t-il tout le pays. Mieux qu’un long discours, cette succession d’événements qui s’enchaînent reflète l’état réel de la pacification de la Gaule, où subsiste encore de nombreuses poches de résistances.

 

En –19, des querelles gauloises internes et la pression des Germains, qui pour la cause profitèrent de l’aubaine, motivèrent une nouvelle mission d’Agrippa en Gaule.

Les missions successives de Tibère, de –20 à –15 , s’effectuèrent dans un contexte similaire et pour les mêmes raisons.

A partir de –16 et jusqu’en –12, la situation empira sous la conjonction de deux faits, probablement liés : un raid germain et l’oppression des Gaulois sous l’administration de l’affranchi d’origine germanique Licinius.

Cette crise a atteint son paroxysme en –12…

 

La fin de l’agitation en Gaule non méditerranéenne coïncida avec le lancement des campagnes romaines en Germanie ; coupées de leurs bases arrières, les gaulois perdirent très rapidement toute liberté d’action.

 

(…)

 

A la lumière des textes littéraires et des quelques monuments commémoratifs, il apparaît donc que la Gaule s’est fréquemment soulevée au cours du demi-siècle qui a suivi la conquête césarienne. Nous ne connaissons en détail, ni le nombre des théâtres d’opérations, ni celle des campagnes militaires, et nous sommes encore moins documentés sur les grandes phases de leur déroulement.

En outre les textes jettent un voile pudique sur les peuples de l’Est et les peuples du centre-Ouest. Mais l’absence d’information ne signifie pas pour autant l’absence de faits de guerre dans cette région. Le grand Est confinait aux germains et il serait étonnant qu’il ait connu une période de paix alors que les autres régions de Gaule étaient en situation de guerre déclarée.

Car si il est bien un point dont nous pouvons être assurés, c’est que les gaulois menèrent des guerres successives très dures contre les légions de Rome, et que ce n’est qu’avec peine qu’Auguste et ses meilleurs généraux parvinrent à réduire une à une les résistances.

En effet pour que Rome ait entretenu une armée en Gaule dont les effectifs atteignirent jusqu’à onze légions.

Cela suppose qu’elle avait en face d’elle un grand danger auquel il lui fallait faire face.

Un tel déploiement de forces sur une aussi longue période n’a pas d’autres signification.

Les témoins matériels sont donc sûrement dans le sol de nos villes et de nos campagnes, il nous faut les trouver.

 

 

 

--------------------------------------

 

© 2010 Arnaud Lerossignol

 

Principaux sites étudiés dans le cadre de cette étude, certains sites plus « secondaires » ne sont pas repris ici.
La plupart des dates sont représentatives soit, de l’occupation principale du site, soit d’une période archéologique bien ciblée par les différentes fouilles.
Les dates entre parenthèses représentent un choix arbitraire, utile pour l’étude.

 

 

                          Période étudiée   

Noms ---------------- De  /  à ----------------- Type d'occupation

 


Allonnes :  -70 / (-30) horizons 3a et 3b (début), sanctuaire

Arras Actiparc : vers -50 / -30, poste militaire romain

Arras Baudimont I : -20 / +20, présence militaire romaine

Bibracte : (à partir de -50 / -20), oppidum

Corent : (-100) / vers -50 , oppidum et sanctuaire

Etigny : -50 / -30, établissement rural

Feurs : -50 / -25, tombe (S9)

Gergovie-Merdogne : vers -50  / (0+20), oppidum

Gondole : -70 / -20, oppidum

La chaussée-Tirancourt : -40 / -20, oppidum

Ménestreau-en-villette : -40 / -20, tombe

Mirebeau -sur-Bèze : -40 / -20, sanctuaire

 

Molesmes ( Vertillum ) : -30 ? / + 10, site « cérémoniel »


Paris-Sénat : -60 / -30, puit (A19)

Pommiers : [-60?] ou plutôt -40 / -10, oppidum***

Ribemont-sur-Ancre : à partir de -50 / (-30 ?), sanctuaire

SUISSE : à partir de -45 / -44, fondation de la colonia Julia Equestris (Nyon) :

-Bâle-Münsterhügel : oppidum (Tène D2, datation exacte à préciser)

-Dangstetten : à partir de -15, camp romain

-Giubiasco : nécropole (tombes 135 / 433)

-Sion : passage de la Matze, tombe

Vachères (guerrier de) : vers -30 (?), statue

Villeneuve-st-Germain :  vers -80 / -40, oppidum***

 

*** La chronologie d'occupation de ces deux sites, très proches, est encore très discutée, néanmoins il existe une nette différence de facies amphorique entre les deux sites.

A Villeneuve le type Dressel 1A est nettement majoritaire, a contrario la période augustéenne n'est pas représentée. De plus un atelier monétaire a fonctionné sur le site, inondant l'oppidum de monnaies à usage purement local, ce facies monétaire très particuler semble perturber l'étude de la chronologie d'occupation par la monnaie.

A Pommiers, deux phases d'occupations non consécutives ont d'abord été documentées (Brun, Debord,1991. Debord, 1995), une première phase principale vers -60/-50 puis une deuxième à l'époque augustéenne (post -30).

Puis d'autres études sont venus contredire cette chronologie (Guichard, Pion, Malacher,Collis, 1993), les débuts de l'ocupation de l'oppidum de Pommiers, de peu antérieure à Villeneuve chez Debord, pourrait s'avérer en définitive postérieure (Pion,1996).

La présence exclusive des amphores Dressel 1B suggère de toute façon une occupation principale au plus tôt pendant le troisième quart du 1er siècle av. J.-C. et au début de l'occupation augustéenne.

 

Dans tous les cas, et quelques soient les chercheurs, aucune démonstration n'est encore décisive, en cause l'atelier monétaire de Villeneuve et les fouilles trop limitées de Pommiers. Vers les années 40 av. J.-C. l'occupation des deux sites pourrait être de toute façon simultanée bien que la faible proportion de Dressel 1B à Villeneuve suggère une activité très réduite à partir de 40 av. J.-C.

 

 

 

 

 

GERGOVIE

Entamer une brève réflexion sur le site de la bataille de Gergovie, n’est pas dénué d’intérêt, ne serait-ce que par les nombreux parallèles avec l’historiographie de la recherche sur Alésia.

Nous sommes à la fin de l’hiver 52 av.J.-C., après le siège d’Avaricum ; César se décide à poursuivre Vercingétorix en pays Arverne :

7.34
il donne quatre légions à Labiénus pour aller chez les Sénons et les Parisii ; lui-même, à la tête de six autres légions, s'avance vers Gergovie, le long de la rivière d'Allier. Il avait donné à Labiénus une partie de la cavalerie, et gardé le reste avec lui.

César emmène donc avec lui 6 légions soit l’équivalent au bas mot de 24000 hommes, certainement plus.
Tout dépend, et comme on l’a vu pour Alésia, de la composition exacte d’une légion à la fin de l’époque républicaine.
Il faut tenir compte aussi des accompagnants et des cavaliers Eduens.

Si on s’en tient aux effectifs purement romains, il est probable que César arrive sur Gergovie avec une armée d’au moins 30000 individus.

César ne signale alors qu’un camp, il faut donc qu’il soit vaste, nous y reviendrons.

Il paraît toutefois préférable de ne pas y inclure la cavalerie des Eduens ne sachant pas s'ils occupaient le camp avec les romains ou un autre à proximité immédiate.

Concernant le camp principal de César tel qu’il se présente à Gergovie-Merdogne, le peu de résultat des fouilles ne permet aucune conclusion utile.
 
Les dimensions des fossés observées sont faibles et très variables, elles s’établissent pour la largeur entre 1.10 m et 0.10 m, quant à la profondeur elle varie de 0.50 m à 0.05 m.

L’érosion semble très importante dans ce secteur, il faut donc être prudent si l’on s’essaye à la comparaison entre les fossés d’un camp césarien « standard » et ceux retrouvés ici.
Toutefois, et pour le même motif, la même prudence devrait s’imposer quant à
l’interprétation à faire de ces structures.
On observera juste que les observations modernes recoupent en partie celles du XIXe, et qu’à cette époque on avait pu déterminer que l’ensemble formait un quadrilatère irrégulier d’une superficie d’à peu près 34 ha.

 

Attaque d'une position proche et construction d'un deuxième camp :

 

7.36
César, dans le silence de la nuit, sort de son camp, s'empare du poste, dont il culbute la garde, avant que de la ville on puisse lui envoyer du secours, y met deux légions, et tire du grand au petit camp un double fossé de douze pieds, pour qu'on puisse aller et venir même individuellement, sans crainte d'être surpris par l'ennemi.

César est clair, il fait creuser deux fossés !
On observe alors que si un fossé a bien été retrouvé en fouilles anciennes comme modernes, fossé qui relierait ce « grand camp » au petit camp de la roche blanche, il a été impossible aux fouilleurs modernes de retrouver la trace du double fossé qui joignait les deux camps.
Sur ce seul motif, l’assimilation de cet ensemble avec une phase de la bataille de Gergovie telle que décrite par César est impossible.

Concernant le « petit camp » de la roche blanche, il y a moins de doutes sur sa fonction, les artéfacts retrouvés plaident pour l’existence probable à cet endroit d’un poste militaire romain d’époque tardo-républicaine.
La typologie des amphores, exclusivement des Dressel 1B, amène à situer l’occupation du site à la Tène D2b, datation confirmée par les traits de catapulte typiques de la fin de la période républicaine ainsi que par l’absence de marqueurs augustéens.

Le « grand camp » assez pauvre en artéfacts, semble lui aussi s’inscrire à la Tène D2b (amphores Dressel 1B, céramiques), mais la pauvreté du corpus ne permet pas plus de précisions.

Par contre, l’assimilation au camp tel que décrit par César est lui à rejeter formellement
en l’état des recherches, en effet outre le problème du double fossé, César nous livre une autre précision lorsqu’il poursuit son récit des événements  ; en effet, au beau milieu du siège, il est contraint d’abandonner le camp provisoirement pour se lancer à la poursuite des Eduens qui viennent de déserter:

7.40
César, sans balancer un instant, prend quatre légions sans bagage, et toute la cavalerie.  On n'eut pas même le temps de replier les tentes, parce que tout, dans ce moment, semblait dépendre de la célérité. Il laissa pour la garde du camp le lieutenant C. Fabius, avec deux légions.

César a pris contact avec les Eduens et se trouve sur le chemin du retour lorsque :

BG , 7.41 :
Presque à moitié chemin, des cavaliers, expédiés par Fabius, lui apprirent quel danger avait couru le camp; il avait été attaqué par de très grandes forces; des ennemis frais remplaçaient sans cesse ceux qui étaient las, et fatiguaient par leurs efforts continuels les légionnaires forcés, à cause de la grande étendue du camp, de ne pas quitter le rempart; une grêle de flèches et de traits de toute espèce avait blessé beaucoup de monde; les machines avaient été fort utiles pour la défense .
Après la retraite des assaillants, Fabius, ne conservant que deux portes, avait fait boucher les autres, et ajouter des parapets aux remparts : il s'attendait pour le lendemain à une attaque pareille.

Pendant son absence, le camp subit donc une attaque sans précédent, or les dernières fouilles sont sans ambiguïtés sur le sujet, il n’y a pas la moindre trace de militaria dans les secteurs fouillés.

Il paraît invraisemblable que tant les romains, que les gaulois, après des heures d’intenses affrontements n’aient pas laissé sur place le moindre bout de ferraille...
Combien de pointes de flèches (comme au puy d’Issolud par exemple, 700 pointes de flèche, 75 fers de trait, 6 pointes de javelot) auraient dû être retrouvées ?

Voici l’inventaire du mobilier trouvé dans les fossés du grand camp :

4 tessons et 2 éclats d’amphores Dressel 1
24 tessons de vaisselle céramique
1 fragment de plaque de foyer
Quelques esquilles d’os
Un clou
Un objet en tole

Outre la récolte assez pauvre.
Il n’y a là aucun élément rattachable à une occupation militaire romaine même pacifique.
Et surtout aucun élément, pas même une pointe de trait, pouvant être rapproché des affrontements violents qui ont concerné le camp césarien.

Conclusion, sauf nouvelle découverte archéologique à venir, ce « camp » n’a jamais été attaqué !
En tout état de cause, sa fonction ainsi que l’époque et la durée de son occupation restent en grande partie indéterminés.

Quant à la capacité d’accueil du grand camp, et même en utilisant un ratio d’occupation favorable, elle ne permet pas de caser l’effectif romain théoriquement présent à Gergovie.
La superficie du camp est de 34 ha, dans le meilleur des cas et sans compter les chevaux des officiers romains, le camp pouvait donc au mieux accueillir 20 à 25000 occupants.


Source : Deberge Y., Guichard V., Feugère M., Leguet D., Tourlonias D. Nouvelles recherches sur les travaux césariens devant Gergovie (1995-1999) Revue archéologique du Centre de laFrance. Tome 39, 2000. pp. 83-111.